Bâtir ex nihilo un empire automobile au XXIè siècle quand le secteur entier est à la peine et alors que l'entrprise doit exister face à une concurrence établie depuis des décennies est un pari fou. La personnalité complexe, les méthodes brutales et l'hyperactivité entrepreneuriale d'Elon Musk rendent cette aventure du tout-électrique plus improbable encore.
Il n'est pas étonnant, dès lors, que nombre d'analystes prophétisent, le sourire en coin et la critique automatique, l'effondrement de Tesla et avec elle celui de son fantasque architecte.
L'annonce début juillet qu'en dépit de ses tourments la firme avait battu des records de livraison et commencé à régler ses problèmes logistiques a fait bondir le cours de l'action Tesla d'environ 7%. Insuffisant cependant pour les professionnel·les de la bourse –UBS continue de recommander aux investisseurs de vendre le titre.
L'électrique vaincra!
C'est, analyse Axios, une vision à court terme qui peine à se projeter dans un avenir où le marché, immanquablement, permettra à ce type d'énergie de ringardiser le thermique. «Si votre intérêt se porte sur l'avenir de l'entreprise (toujours, de loin, leader sur le marché des voitures électriques), vous devriez vous poser d'autres questions.» Notamment celle de savoir si Tesla réussira à traverser sans périr «la coûteuse Vallée de la mort» dans laquelle son développement l'engage.
Reprenant une étude de BloombergNEF, un cabinet spécialisé dans l'étude des marchés de l'énergie, Axios note ainsi que le coût moyen d'un véhicule électrique devrait passer sous celui d'un véhicule à combustion aux alentours de 2023.
En 2030, le prix moyen d'un véhicule à essence devrait ainsi être de 28.600 dollars (25.400 euros environ),quand celui dépendant d'une batterie sera de 25.400 dollars (soiti 22.500 euros): une différence sensible de 12,5% qui devrait progressivement bouleverser la demande, donc le marché.
Selon Nikolas Soulopoulos de BloombergNEF, cette substantielle baisse du prix des véhicules électriques, qui suit précisément les contours du plan initial d'Elon Musk (vendre d'abord des véhicules chers, puis démocratiser le marché), tient surtout au coût de production des batteries. En 2023, il devrait être de 100 dollars par kWh –près de dix fois moins cher qu'il y a une dizaine d'années.
L'enjeu des batteries
Les efforts d'Elon Musk et de Tesla se portent donc naturellement sur la production en masse de ces cœurs électriques. Si, comme le reste de la chaîne, la production de la Gigafactory de la firme dans le Nevada pose de très importants défis, l'expansion de la fabrication en Chine pourrait aider Musk à accélérer la cadence et, surtout, à faire de massives économies d'échelle.
Tesla pourrait également essayer d'intégrer l'intégralité de la production de batteries à son processus –elle reste pour l'instant dépendante de ses fournisseurs et partenaires, Panasonic et LG Chem.
Comme la Chine avant elle, l'Union européenne (UE) cherche à accélérer la mutation du marché en investissant massivement dans la technologie du lithium-ion. Gouvernements, banques et industriels devraient dépenser une centaine de milliards d'euros pour offrir à l'Europe et à ses constructeurs, qui représentent au total 13,8 millions d'emplois, les moyens de pivoter vers l'électrique sans nécessiter l'import massif de batteries.
Cette multiplication des acteurs devrait faire baisser un peu plus vite le coût de proudction des batteries, augmenter les marges des constructeurs de véhicules élecriques et, si les infrastructures suivent, provoquer le déclin du thermique. Tesla doit tenir bon: dans quelques années, si elle réussit à survivre à cette période de vaches maigres et à cette zone de turbulences, elle pourrait remporter une grosse partie de la mise.