L'une des inquiétudes qui pèsent le plus sur les développements de la robotique et des intelligences artificielles est celle de leurs effets, potentiellement dévastateurs, sur le marché de l'emploi.
Pour les entreprises, le calcul est vite fait. Les machines sont plus performantes, coûtent moins cher, ne prennent pas de vacances et ne se mettent pas en grève. À partir du moment où un robot peut efficacement remplir les tâches d'un travailleur ou d'une travailleuse humaine, la question ne se pose pas vraiment –du moins sur le strict plan de la rentabilité immédiate.
Cette efficacité équivalente ou supérieure est déjà achevée dans beaucoup de domaines manuels. Les caisses automatiques et les bras articulés sont largement présents dans les supermarchés et les chaînes de montage.
Si ce sont plutôt les métiers manuels qui ont payé et vont payer le prix de l'automatisation, cela ne veut pas dire que les emplois dits intellectuels seront préservés. En effet, après la robotique, c'est au tour des intelligences artificielles de progresser, à grande vitesse.
Selon une étude de Brookings (un think tank social-libéral spécialisé dans la recherche), les emplois de cadres qualifiés et bien payés seront loin d'être épargnés –au contraire, ils seront particulièrement touchés par la démocratisation des I.A.
Pour en arriver à ces conclusions a priori surprenantes, l'institut utilise le «taux d'exposition à l'IA», une méthode statistique pensée par le chercheur de Stanford Michael Webb et basée sur l'étude des chevauchements entre brevets concernant l'intelligence artificielle et description des emplois disponibles.
Tâches hautement qualifées et zones urbanisées
Certaines intelligences artificielles peuvent déjà accomplir des tâches du bas de l'échelle du secteur du tertiaire: classification de documents, sélection de CV, missions administratives souvent effectuées par des jeunes.
«Un grand nombre de tâches hautement qualifiées va être affecté par le machine learning, et ça va être très disruptif», prévoit Erik Brynjolfsson, le directeur des Initiatives en économie numérique du MIT.
Les premières personnes affectées seront celles travaillant dans des zones urbaines denses. Technologies, planification logistique, prévisions économiques et analyses financières sont citées comme particulièrement exposées.
Les spécialistes en marketing sont par exemple doté·es d'un score de 3,03, les programmeurs informatiques de 1,96 ou les conseillers financiers de 1,33. Les professions les mieux payées, comme PDG, restent par contre protégées –logique, ce sont les donneurs et donneuses d'ordres. De l'autre côté de la chaîne, et toujours selon Brookings, les restaurateurs et restauratrices sont les moins exposé·es, avec un score de -1,37.
Selon le think tank, ce sont majoritairement des hommes blancs et asiatiques, surreprésentés dans ce type de profession, qui sont concernés. Les femmes, qui s'orientent beaucoup plus dans des emplois de care tels que l'éducation, la santé ou les services à la personne, sont a priori moins exposées. Idem pour les communautés rurales.