En temps de guerre, certains plantent des potagers, d'autres creusent dans le fond de leur jardin pour se fournir en charbon. C'est notamment le cas en Pologne, ainsi que l'a récemment relaté Bloomberg: la crise énergétique y est si aiguë et les ménages souffrent tant que les activités de minage illégal de charbon ont ces derniers mois fait leur grand retour.
Le média américain raconte par exemple l'histoire de Grzegorz, dont le nom restera anonyme pour d'évidentes raisons. Habituellement chauffeur de taxi, vivant non loin de la ville de Wałbrzych en Basse-Silésie, l'homme a récemment changé d'activité –au grand dam de sa femme, consciente des dangers physiques et légaux qu'il encourt.
Mais l'opportunité est trop belle, les profits promis trop juteux, et le charbon trop facile à dégoter. En Basse-Silésie, dans les champs, les forêts, les parcs publics voire les jardins privés, il affleure souvent à quelques centimètres sous la surface des sols.
Il suffit donc de quelques pioches et personnes motivées pour creuser un petit puits et, en quelques heures de gros efforts et d'esquive des forces de police qui traînent et veillent, gagner une petite fortune.
«Le puits du pauvre» de Grzegorz, comme on appelle ces mini-exploitations sauvages, faisait ce jour-là 3 mètres de profondeur, avec deux hommes chargés de creuser et de poser leur petite échelle en bois, et deux autres chargés de remplir les sacs du précieux charbon.
«Une équipe de quatre hommes peut extraire une tonne de charbon en une heure et se faire 1.000 zlotys [210 euros], environ 60% du salaire moyen hebdomadaire local», explique Natalia Ojewska pour Bloomberg.
Bonne mine, mauvaise santé
Il faut dire que le charbon et la Pologne, c'est une vieille histoire et une histoire qui dure, malgré les engagements du pays et de son président Andrzej Duda de réduire sa consommation en vue d'amoindrir ses émissions de dioxyde de carbone.
C'est aussi, ces derniers mois, une histoire forcément mouvementée par l'irruption de la guerre en Ukraine: Varsovie a coupé toutes ses importations de Russie, ce qui a créé d'importantes tensions sur un marché disposant pourtant encore de nombreux fournisseurs locaux.
A miners' union attempted to brick up the entrance to the prime minister's office in a protest today.
— Notes from Poland 🇵🇱 (@notesfrompoland) October 24, 2022
They want the government to allow more mining of coal in Poland to ease the current energy crisis rather than importing it from abroadhttps://t.co/r1JsA4ASQ3
Poland the #1 💪in Europe for the worst air pollution 21/11/2022 22:16 via: https://t.co/DQAx0RQu5x pic.twitter.com/rtkqPHGuG8
— Norbeooo🇵🇱🇺🇦 (@Norbeooooo) November 21, 2022
Après avoir à nouveau autorisé l'utilisation de lignite par les particuliers, un danger majeur pour la santé publique, le gouvernement a cherché à s'approvisionner chez les voisins, la République tchèque par exemple, imposé un prix-plafond au marché et pris en charge la distribution du précieux produit de chauffage dans les localités –mais il arrive souvent qu'il vienne à manquer.
Mais les besoins en charbon sont énormes. Selon les chiffres cités par Bloomberg, 37% des 38 millions d'habitants du pays se chauffent par ce biais. La Pologne représente à elle seule 77% de la consommation totale de charbon par les foyers de l'Union européenne.
Quant à l'électricité, sa génération provient à 70% de cette même source, terriblement polluante et qui a retrouvé avec la crise –ou les choix politiques quant au nucléaire– une seconde vie dans une grande partie de l'Europe, en Allemagne ou en France notamment.
Comme l'explique Grzegorz, il existe donc en Pologne une demande forte pour ce charbon extrait sauvagement des paysages habituellement moins troués. Certains ont besoin du charbon et d'autres de l'argent, raconte un habitant de la région de Wałbrzych à Bloomberg: la fermeture des vieilles mines a mis, dans une zone où le chômage atteint 12%, quelques spécialistes sur le marché.