À la suite de l'invasion brutale de l'Ukraine et depuis l'annonce des sanctions économiques contre la Russie, notamment le gel des avoirs et devises de la banque centrale du pays, le rouble ne cesse de dégringoler sur le marché des changes.
Vladimir Poutine et ses conseillers économiques ont peut-être trouvé un début de parade pour endiguer le naufrage de leur monnaie: exiger que le gaz que le monde continue d'acheter à la Russie en grande quantité soit payé non en euros ou en dollars, mais justement en roubles.
«J'ai pris la décision d'implémenter, le plus rapidement possible, le passage au paiement en roubles de notre gaz naturel fourni à ce que nous appelons les pays non amicaux», a ainsi déclaré le président russe.
Ces quarante-huit pays hostiles comprennent les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, la Suisse, la Norvège et l'ensemble des pays de l'Union européenne. Ils représentent 70% des 63 milliards d'euros d'exportations annuelles de la seule Gazprom. Jusqu'ici, explique Bloomberg, 58% des paiements effectués au géant russe se font en euros et 39% en dollars, deux monnaies décrites comme «compromises» par Vladimir Poutine.
Eau dans le gaz
Comme l'expose Bloomberg, cette décision est une nouvelle manière de faire de l'énergie l'une des armes principales de l'homérique conflit qui se joue entre la Russie et le bloc occidental. Immédiatement après l'annonce, les cours du gaz ont flambé de près de 34% supplémentaires, menaçant d'aggraver la violente crise énergétique dans laquelle les pays d'Europe, notamment, étaient déjà plongés avant même le déclenchement des hostilités.
Le rouble, lui, reprenait des couleurs et 7% sur le marché des changes: la manœuvre est avant tout vue comme une manière de faire directement soutenir la monnaie russe par les pays et compagnies achetant le gaz de la Russie, au moment où sa banque centrale se trouve pieds et poings liés par le gel de ses avoirs, qui pourrait bientôt également s'appliquer aux 140 tonnes d'or qu'elle détient.
«Si vous êtes facturés en roubles, vous devez acheter des roubles, explique sobrement Claus Vistesen, économiste en chef de l'eurozone pour Pantheon Macroeconomics, au New York Times. Je ne sais pas s'il existe un moyen de contourner cela.»
Mais la décision de Vladimir Poutine, dont les rouages et détails n'ont pas encore été détaillés, pourrait avoir un autre effet: changer la monnaie dans laquelle le gaz naturel est payé signifierait devoir renégocier les contrats en cours.
«Si Gazprom refuse de livrer son gaz à des acheteurs payant dans la monnaie initialement prévue dans le contrat, généralement des euros, alors ces acheteurs pourraient devoir demander un arbitrage juridique», avance Anise Ganbold, analyste pour Aurora Energy Research.
Ces contorsions pourraient disrupter les livraisons de gaz, notamment vers l'Europe, dépendante à 40% de la production russe. «Je veux insister sur le fait que la Russie va continuer à livrer son gaz aux prix et dans les volumes stipulés dans les contrats», a assuré Vladimir Poutine, ajoutant que seule la monnaie du paiement allait changer.
Pourtant, l'Allemagne comme l'Italie ont indiqué qu'elles comptaient continuer à payer leurs commandes en euros, expliquant que la manœuvre était une manière inacceptable d'esquiver une partie des sanctions imposées à la Russie pour son agression armée de l'Ukraine. Il faudra pourtant bien que, dans ce nouveau bras de fer énergétique, l'une des deux parties cède.