Malgré sa relative proximité géographique avec l'épicentre de l'épidémie de Covid-19, le Japon a été plutôt lent à prendre des mesures de distanciation sociale. Ce n'est que depuis ce samedi 25 avril que la population est en confinement strict.
Concilier ces mesures avec la poursuite de l'activité économique n'a rien de simple: beaucoup de gens ont du mal à travailler de chez eux, rapporte le Asahi Shimbun, l'un des plus grands quotidiens du pays.
Le journal explique que, contrairement à l'image ultra-technologique qui leur est généralement associée, nombre d'entreprises de l'archipel reposent sur des solutions plutôt low-tech. Les grandes sociétés comme Sony, Softbank ou Toyota sont armées pour organiser un travail à la maison généralisé, et ont déjà enjoint leurs employé·es de télétravailler.
Mais alors que le gouvernement alertait sur les risques de contamination hors du domicile, les rues et les métros sont longtemps restés très fréquentés. La mise en place du télétravail a été beaucoup plus complexe pour les petites et moyennes entreprises, qui constituent 70% de l'économie nippone et dont les méthodes sont plus difficilement applicables à distance.
Par exemple, beaucoup d'entre elles continuent d'utiliser davantage le fax que les mails. Deux tiers des ménages sont équipés d'un fax, mais ce n'est pas la méthode la plus simple à utiliser lorsque tout le monde est chez soi.
Elles requièrent aussi souvent que les documents soient tamponnés physiquement (par un tampon personnel appelé hanko) en lieu et place d'une signature. À tel point que le gouvernement réfléchit à suspendre cette vieille tradition administrative.
Culture d'entreprise
Au-delà des aspects techniques, la culture d'entreprise japonaise est aussi peu compatible avec le travail à domicile. Selon Yuri Tawaza, une spécialiste du télétravail au Japon, l'un des problèmes est que les salarié·es occupent souvent des postes moins précisément définis qu'en Occident.
Cela nécessite d'être en contact permanent avec ses collègues et sa hiérarchie, afin de pouvoir travailler en équipe.
Or, les logiciels de visioconférence sont plutôt pensés pour organiser des réunions temporaires et ponctuelles. Selon Tawaza, l'idéal serait d'utiliser Zoom en vocal uniquement –mais toute la journée, afin d'avoir l'illusion d'être dans la même pièce.
Dans les bureaux, la hiérarchie est aussi régulièrement sollicitée. Mais des va-et-vient incessants, par Zoom ou par mail, peuvent vite devenir laborieux. Les managers doivent ainsi déléguer plus que d'habitude à leurs employé·es –une latitude et une flexibilité à laquelle personne n'est tout à fait préparé·e.