Peut-être les équipes de Mark Zuckerberg surveillaient-elles d’un œil curieux la trajectoire d’Escapex lorsqu’il a annoncé vouloir rediriger Facebook vers la sphère privée. Peut-être voient-elles dans la firme, dont l’application est téléchargée selon Fast Company 13.000 fois par semaine, une véritable menace pour leur empire. Trois cent cinquante célébrités, avec une audience totale de 3,5 milliards de personnes sur les réseaux sociaux, ont déjà adopté la solution d’Escapex –et ce ne pourrait être qu’un début.
Un réseau social privé et rémunérateur
Le pari de l’entreprise, fondée en 2015: créer des réseaux sociaux en silos, centrés sur des personnalités et en particulier des influenceurs et influenceuses d’Instagram. De la même manière qu’ils pouvaient, fut-un temps que les moins de vingt ans ne veulent sans doute pas connaître, créer leur site internet, quiconque peut ainsi créer son propre petit Instagram personnel. À chacun son réseau social, avec tout ce que cela peut comporter. Et pour accéder aux contenus qui y sont postés, les «superfans» devront s’acquitter d’un petit abonnement mensuel.
Les avantages pour les stars concernées sont multiples. Ils sont d’abord financiers: Fast Company calcule que si 0,1% des followers Instagram d’une vedette en comptant deux millions s’abonnaient à sa plateforme personnalisée, elle pourrait prétendre à des revenus annuels de plus de 85.000 dollars [environ 75.000 euros], Escapex ponctionnant 30% des revenus générés.
Un autre avantage est de pouvoir dire adieu à la toute-puissance des algorithmes cryptiques des réseaux classiques comme Instagram ou Facebook, qui privent followers et fans d’une partie des contenus publiés. Les VIP pourront désormais poster en permanence et sans crainte que leurs publications ne se perdent dans les limbes, donc potentiellement créer une relation plus étroite encore avec leur communauté.
Un club plutôt que des followers
Les personnes disposant d’une application Escapex récupèrent également ce qui constitue désormais un bien très précieux: contrairement à Facebook, YouTube ou Instagram, les données relatives aux abonné·es et fans sont placées dans les mains des responsables du site Escapex, qui peuvent donc les exploiter à leur guise. Le contrôle est bien plus total qu’avec les plateformes traditionnelles, ce qui pourrait notamment attirer de nombreux acteurs avides de communautés directes, de data et de contrôle –par exemple les labels musicaux.
Les contenus peuvent être ou ne pas être placés derrière un abonnement payant. Fast Company donne l’exemple de l’acteur Osric Chau (Supernatural), qui dispose depuis début 2018 de son application Escapex et l’utilise pour former un lien plus direct et plus fort avec sa communauté de fans. L’activité de ces derniers est récompensée par un système de points, qui peuvent servir à booster un commentaire –donc à garantir que l’objet de sa passion le verra. Idéal pour resserrer les liens, voire créer une légère addiction.
En somme, Escapex est une sorte de privatisation des réseaux sociaux qui tente de couper l’herbe sous le pied de tous les intermédiaires habituels, permet aux célébrités de mieux contrôler ce qu’elles proposent et offre à leurs fans le renforcement d'un très précieux sentiment d’appartenance à une communauté d’intérêt. Le potentiel semble immense.