En Espagne, c'est une institution: la sieste ou la longue pause du midi n'est pas à prendre à la légère, elle fait partie intégrante du quotidien. Cette organisation horaire particulière a la vie dure, mais peut-être plus pour très longtemps.
À l'origine, la sieste servait à séparer la journée en deux pour la main-d'œuvre qui cumulait deux emplois pendant la période difficile de la guerre civile, dans les années 1930. De nos jours, bien que toujours pratiquée par certain·es, elle s'est transformée en une (très) longue pause déjeuner, indique la BBC. Les horaires de travail s'en trouvent chamboulés, décalés jusqu'à tard dans la soirée, ce qui favorise le présentéisme.
Bien que la population active travaille davantage d'heures par an en Espagne que dans la majorité des pays d'Europe (1.686 heures en moyenne en 2019, contre 1.505 heures en France), la productivité du pays reste faible. La faute à la grosse pause du midi?
À en croire les croisades des gouvernements successifs de Madrid contre ce rythme de travail, la sieste pèserait bel et bien sur l'économie espagnole. Mais alors que l'exécutif tente d'imposer des horaires fixes, d'autres solutions semblent plus judicieuses à mettre en place.
Choix gagnant
Nuria Chinchilla, professeure de management et fondatrice du Centre international sur le travail et la famille à l'IESE Business School de l'université de Navarre, a étudié l'influence des horaires de travail sur la productivité dans plus d'une vingtaine de pays, dont l'Espagne.
Aujourd'hui, elle accompagne les entreprises désireuses d'adopter des horaires de travail flexibles, qui autorisent chaque employé·e à décider des heures de début et de fin de sa journée.
Parmi les sociétés suivies par Chinchilla, celles qui ont mis en place des horaires souples contrastant avec la culture de la sieste et du présentéisme ont obtenu des résultats frappants: leur productivité a augmenté de 19% et l'absentéisme y a chuté de 30%.
Si cette flexibilité et cette responsabilisation horaire permettraient à l'Espagne d'en finir avec la sieste, le modèle pourrait également répondre à certains des maux français.
La France est l'État qui présente le plus fort taux de présentéisme en Europe: en cas de maladie, 62% des employé·es se rendent quand même au travail. Selon un sondage OpinionWay relayé par Forbes France, près de 81% des salarié·es français·es réclameraient des horaires plus souples: il serait peut-être grand temps de repenser nos organisations.