Il n'y a pas qu'en France que les syndicats effraient Amazon. Selon une enquête de Business Insider, la multinationale, et plus précisément sa filiale de magasins d'alimentation Whole Foods, est extrêmement vigilante à toute activité syndicale.
L'entreprise dispose d'un outil compilant des données sur tous ses sites. Celles-ci sont digérées par un algorithme, qui détermine quels établissements sont les plus propices à la création d'une section syndicale puis les affiche sur une carte des États-Unis –en rouge, comme il se doit.
Si essayer de déterminer où la syndicalisation est forte et où elle peut le devenir est une pratique courante aux États-Unis, Amazon utilise des méthodes particulièrement pointues.
Parmi les données exploitées, on compte bien sûr le salaire moyen des employé·es, mais aussi un «index de diversité» évaluant la répartition ethnique et raciale du personnel de chaque magasin.
Le contexte économique et social de la zone d'implantation est lui aussi pris en compte. Sont inclus le taux de chômage dans les environs et le nombre de foyers sous le seuil de pauvreté, ainsi que la distance aux bureaux du syndicat le plus proche ou les tentatives précédentes de syndicalisation.
Grâce à des sondages internes, Whole Foods mesure en outre le «sentiment des Team Members», soit la loyauté des salarié·es, leur bien-être au travail, leur impression d'être en sécurité, respecté·es par leur hiérarchie, etc.
Manœuvre légale
L'objectif de la carte des risques de syndicalisation est «d'utiliser nos ressources dans les magasins qui en ont le plus besoin, dans le but d'atténuer les risques […] avant qu'ils ne deviennent problématiques», assure Whole Foods dans un communiqué, qui ne détaille pas ce que recouvre exactement «l'utilisation de ses ressources».
Amazon a un long historique de campagnes anti-syndicales. Le 10 avril, l'entreprise a renvoyé deux employées qui critiquaient publiquement sa gestion de la crise du Covid-19.
Whole Foods a simplement tenu à déclarer qu'elle «reconnaît le droit à se syndiquer de [ses] Team members», mais qu'elle préfère que ses salarié·es aient «une relation directe» avec l'entreprise et ses managers.
Il est parfaitement légal pour une entreprise américaine de surveiller ainsi ses équipes, tant qu'elle ne menace ou ne contraint pas son personnel. Pour Celine McNicholas, de l'Economic Policy Institute, le recours à ce genre d'outil «est simplement la prochaine étape» de la lutte des employeurs contre les syndicats.