Aux États-Unis, la possession d'un silencieux –cette extension du canon permettant aux armes de poing de faire, dans les Tontons flingueurs, ce drôle de «Plop! Plop!» létal– est en théorie soumise à de sévères restrictions.
Le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF) ne plaisante pas avec le sujet: toute personne désirant acquérir un suppressor doit le déclarer, faire l'objet d'une enquête préalable et s'acquitter d'une taxe, le processus pouvant prendre jusqu'à un an.
Mais dans un pays qui aime à la fois le bricolage et les armes à feu, une nation dans laquelle les modifications DIY de ces engins de mort sont monnaie courante, il suffit d'une connexion internet, de quelques dollars et d'un peu d'huile de coude pour contourner l'intégralité du dispositif.
Même sur Amazon
Dans un article écrit en collaboration avec The Trace, une rédaction spécialisée dans la couverture de la question des armes à feu aux États-Unis, The Verge décrit le florissant marché du silencieux en ligne.
L'entreprise SD Tactic Arms propose des «barrel shrouds» (des enveloppeurs de canon), Hawk Innovative Tech des «solvent filters» (des filtres à solvants) et Preppers Discount ce qui semble être des tubes pour lampes torches. Il est même possible de commander certains de ces éléments sur Amazon.
Tous ces articles sont vendus par des boutiques clairement destinées aux adeptes de tir; ils ne sont en réalité, les enseignes ne s'en cachent pas, que des silencieux déguisés.
L'achat et la possession de ces objets est tout à fait légale, seules les modifications en faisant un véritable silencer imposent de passer par une déclaration à l'ATF. Mis à part la crainte d'un raid du bureau en question, rien n'empêche de commander l'une de ces pièces puis, en deux temps trois mouvements, d'en faire un silencieux.
Sur des groupes Facebooks dédiés, à l'image de celui-ci comptant plus de 14.000 membres, les conseils s'échangent librement et les avis de la clientèle abondent.
Laxisme des autorités
Par manque de moyens, parce que l'ATF comme le législateur n'ont jamais réussi à déterminer avec exactitude ce qui techniquement constitue un silencieux, les autorités américaines ne s'intéressent que de loin à ce business douteux –à l'exception de rares coups d'éclat.
Leur tolérance tient peut-être aussi au fait que les silencieux, qui portent mal leur nom car ils n'éliminent que partiellement le son émis par une arme, ne sont généralement que peu utilisés par les criminel·les.
Ils ne sont pourtant pas qu'un gadget amusant pour les fans de films d'espions. Le 31 mai 2019, un homme a abattu douze personnes à Virginia Beach; son arme était équipée d'un silencieux.
«Si ça avait été une arme normale, nous aurions compris plus tôt, a déclaré l'une des témoins du massacre à NBC. Nous aurions pu nous protéger... Nous aurions tous pu nous barricader.»