La crise du coronavirus a reporté de nombreux projets d'enfants, une grossesse en temps de pandémie étant perçue par beaucoup comme anxiogène. Mais, pour d'autres couples, pas question de patienter plus longtemps.
Et chez les couples infertiles, la solution réside souvent dans le don de sperme. On estime qu'entre 30.000 et 60.000 enfants naissent chaque année d'un don de sperme aux États-Unis, rapporte le New York Times. Environ 20% des clients de banques de sperme sont des couples hétérosexuels infertiles ou non, 60% sont des lesbiennes et 20% des femmes seules.
Mais avec la crise du coronavirus, le nombre de donneurs s'est tari, et les cliniques et banques de sperme se retrouvent en pénurie, alors que la demande reste élevée. «Nous avons d'habitude 180 donneurs, témoigne dans le New York Times Angelo Allard, le superviseur de la banque de sperme de Seattle. Aujourd'hui on tourne plutôt autour de 80.»
Une autre raison de cette pénurie est la régulation très stricte qui entoure le don de sperme. La plupart des banques limitent le nombre de procréation avec un même donneur à 25 ou 30 pour prévenir une trop grande diffusion génétique. Les donneurs doivent en outre se soumettre à un test sanguin chaque fois que leur sperme est utilisé.
Certains «recruteurs» en sont réduits à poser des affichettes sur des parcours de santé extérieurs, alors que les clubs de gym sont fermés. D'autres comptent offrir des «bonus» en cash pour attirer les candidats.
Si certains pays comme l'Angleterre ou la France interdisent la rémunération des donneurs, il n'existe pas de limite financière aux États-Unis, où un donneur peut gagner jusqu'à 4.000 dollars en quelques mois.
Cependant, il ne s'agit pas de rémunération à proprement parler (le commerce de sperme comme celui des organes est interdit), mais d'une «compensation» pour le temps et le déplacement.
Marketplace
Pour ne rien arranger, les donneurs s'adressent maintenant directement à leurs clients sans passer par l'intermédiaire des banques de sperme, au travers de groupes Facebook ou de rencontres avec les futures mères dans un appartement cosy Airbnb.
Un des donneurs interrogé par le New York Times explique ainsi qu'il trouve les banques de sperme «trop cliniques et trop froides» et qu'il préfère avoir un rapport direct avec le receveur «pour être sûr que l'enfant sera bien élevé».
Ce marché parallèle alimente des pratiques parfois limites. Certains n'hésitent pas à se mettre en avant sur les réseaux sociaux, vantant leurs qualités sportives, leur talent aux échecs ou leurs facultés intellectuelles.
Certains donneurs proposent uniquement leurs services par insémination «naturelle» (c'est-à-dire par un rapport sexuel direct), une pratique à la limite de la prostitution. Ce rapport direct entre donneur et receveur soulève aussi la question juridique de la responsabilité parentale du père.
Le succès de ces groupes Facebook traduit en tous cas une nouvelle tendance que la pandémie aura, là encore, accélérée. À l'instar des restaurants ou de compagnies aériennes, les banques de sperme risquent de voir leur activité durablement réduite.