Fin janvier, Darren Woods, le PDG d'ExxonMobil, a tenté de rassurer les analystes financiers sur les cours du pétrole et la pandémie de coronavirus.
Un baril à 60 dollars était une opportunité, pas une catastrophe, a-t-il assuré, annonçant par la même occasion 30 milliards de dollars [28 milliards d'euros] d'investissements. Mais la réalité n'allait pas tarder à rattraper le pétrolier.
50 milliards de dette
Ces dix dernières années, Exxon a raté le coche du gaz du schiste, ses investissements dans les sables bitumineux canadiens ont été un échec cuisant et un énorme projet en Russie a été compromis par les tensions entre Moscou et Washington.
L'entreprise a tellement dépensé qu'elle ne peut plus payer de dividendes. Depuis 2010, son cours boursier a dévissé de 10,8%, pendant que ses concurrents tutoyaient les sommets –à l'exception de BP, plombé par la marée noire de 2010 dans le golfe du Mexique.
«Dans le secteur pétrolier, tout se joue sur la quantité que l'on peut produire, la façon dont on parvient à maîtriser ses coûts et la capacité à sécuriser des ressources pour l'avenir», analyse Bloomberg.
En dépit d'énormes investissements, Exxon produit environ quatre millions de barils par jour, soit autant... qu'il y a une décennie. Ses bénéfices annuels sont inférieurs de moitié à ceux de 2010, et sa dette jadis inexistante est passée à 50 milliards de dollars [46 milliards d'euros].
La capitalisation boursière de l'entreprise de bricolage Home Depot est désormais évaluée au double de celle d'Exxon, malgré un chiffre d'affaires deux fois moins important.
Géant déchu
Le pétrolier a autrefois été «un État-entreprise au sein de l'État américain […], l'une des sociétés les plus puissantes jamais produites par le capitalisme américain», écrit l'essayiste Steve Coll dans son livre Private Empire: ExxonMobil and American Power. Ce temps semble définitivement révolu.
Le 16 mars 2020, Standard & Poor's a dégradé la notation de la dette d'Exxon de AA+ à AA. Une semaine plus tard, son cours en Bourse a clotûré à 31,45 dollars [29,03 euros], son niveau le plus bas depuis 2002, avant de rebondir légèrement.
Pour faire face à l'urgence, l'entreprise compte réduire ses investissements de 30% et ses dépenses de fonctionnement de 15%. Mais pour se remettre en selle, elle aurait besoin que le baril de brut remonte à 60 dollars –une perspective qui paraît bien éloignée aujourd'hui.