Le secteur automobile est en pleine mutation. Les automobilistes se tournent de plus en plus vers les SUV et les crossovers, notamment aux États-Unis. Portés par les bas coûts de l’essence, ces véhicules, plus gros que des voitures classiques et permettant aux plus intrépides de rouler hors piste, prennent petit à petit la tête des ventes.
Au royaume de l’automobile, cette popularité est un véritable bouleversement. Depuis la Ford T, le modèle qui a démocratisé la voiture en 1908, un modèle a régné sans interruption sur le marché américain: la sedan. Appelées «tricorps» en français, les sedans sont des voitures divisées en trois compartiments (coffre, habitacle et moteur) isolés les uns des autres. La couronne de la sedan est tombée en 2014, lorsque pour la première fois de l’histoire automobile, les SUV et les crossovers ont détrôné les sedans en totalisant 36,5% des ventes, contre 35,4%.
Naturellement, les fabricants américains ont orienté leur production pour surfer sur la popularité croissante des SUV. Mais ce revirement est intervenu trop tard et malgré des ventes et des profits corrects, les constructeurs anticipent une récession.
La récession qui vient
Jusqu’ici, les ventes de sedans ont pu être artificiellement maintenues en vendant les stocks à des entreprises de location, qui achètent en grande quantité mais à des prix cassés. Si au cours des quatre dernières années cette technique a permis aux fabricants de se maintenir au-dessus du seuil des dix-sept millions d’unités livrées, cette solution ne peut être pérenne.
Excepté Fiat Chrysler Automobiles, les constructeurs n’ont pas su s'apercevoir à temps que le marché changeait, et beaucoup des usines existantes sont toujours destinées à produire ces sedans qui n’intéressent plus les automobilistes.
General Motors (Chevrolet, Cadillac, Buick…) a annoncé en novembre 2018 être sur le point de fermer cinq usines et de se débarrasser de 15% de sa masse salariale –une décision qui a valu au groupe de s'attirer les foudres de Donald Trump. La banque d’investissement Morgan Stanley estime que Ford va probablement suivre la même voie et que sa restructuration pourrait coûter leur emploi à 25.000 travailleurs et travailleuses.
Ironiquement, la dernière récession est à blâmer pour celle potentiellement à venir. Il y a une dizaine d’années, une flambée des prix de l’essence avait découragé les automobilistes d'acheter des SUV, trop gourmands en carburant. Les «Big Three» (Ford, General Motors et Chrysler), qui s’étaient précédemment enthousiasmés pour ces gros véhicules, se sont alors retrouvés au bord de la faillite et se sont tournés vers la production de sedans, des véhicules à la consommation plus modeste. Au moins, cette crise-là était bonne pour l’environnement.