Ces derniers temps, les internautes ont dû supporter les plaintes d'Elon Musk sur Twitter. À grands coups de «FREE AMERICA» (en capitales, toujours), le PDG de Tesla et de SpaceX a appelé de façon répétée à un arrêt des mesures de confinement, afin de faire repartir l'économie américaine.
FREE AMERICA NOW
— Elon Musk (@elonmusk) April 29, 2020
Or, selon une étude de l'Institute for New Economic Thinking de l'université de Cambridge rapportée par Futurism, remettre les gens au boulot pourrait non pas relancer l'économie, mais la plonger dans un marasme plus profond encore.
Paralysie du système
La raison principale semble évidente: un retour immédiat au travail provoquerait un nouveau pic de contaminations, qui toucherait encore plus durement de multiples secteurs et engendrerait «de très importants coûts en matière de production, de consommation et d'investissement».
«Un déclin précipité de l'emploi provoqué par une épidémie peut augmenter les coût de manière non linéaire s'il finit par compromettre les liens essentiels dans la structure de production, qui sont critiques pour le fonctionnement de l'économie dans son ensemble», est-il écrit en conclusion.
En clair, selon les chercheurs, dont deux sont membres du Bureau des gouverneurs de la Réserve fédérale, laisser la pandémie infecter une part trop importante de la main-d'œuvre conduirait à une paralysie profonde et coûteuse du système.
Pourtant, malgré les alertes des économistes, certains États ont déjà enclenché des plans de réouverture des magasins –un retour à la vie d'avant, en somme.
Donald Trump a d'ailleurs soutenu des mouvements de protestation contre les élu·es démocrates ayant mis en place des mesures de restriction, notamment dans le Minnesota et le Michigan. Le président américain a même tweeté qu'il fallait «libérer la Virginie et sauver le deuxième amendement», après que l'État a restreint temporairement l'usage des armes à feu.
Chantage à l'emploi
Aux États-Unis mais aussi sans doute ailleurs, la relance de l'économie menace en outre d'exacerber les déjà fortes inégalités sociales et raciales.
D'après le New York Times, les classes aisées et diplômées pourront continuer à télétravailler tandis que les plus pauvres, actives dans des secteurs où travailler à distance n'est pas une option, seront rappelées sur le terrain.
Principalement noire et latino-américaine, cette population devra faire un choix: accepter de retourner au travail et d'exposer sa santé, sous la double injonction des employeurs et des responsables politiques, ou bien perdre son emploi. Plus de vingt-six millions d'Américain·es se sont déjà retrouvé·es au chômage à cause de la pandémie –une pesante épée de Damoclès.
Depuis le début de la crise, les communautés latino et afro-américaine ont vu leurs revenus baisser drastiquement, bien davantage que les foyers blancs. Dans la ville de New York, ces inégalités se sont également manifestées à travers le taux de mortalité du Covid-19.
Heather Boushey, présidente du think tank Washington Center for Equitable Growth, prévient dans le New York Times que rouvrir les commerces risque d'empirer les choses: «Ce seront les petits commerces, les travailleurs peu payés, les plus désespérés à retourner au travail qui y retourneront en premier, mettant leurs familles et eux-mêmes en danger.»