Afin d'aider leur économie paralysée par la pandémie, les États-Unis ont lancé le plus gros plan de stimulus économique de leur histoire: 2.000 milliards de dollars [1.840 milliards d'euros], dont une partie s'est déjà évaporée. Mais d'où provient tout cet argent, qui doit servir à remplacer plusieurs mois d'activité économique?
Chaque centime sera emprunté. Le plan de sauvetage de l'économie, baptisé «CARES Act», prévoit que le gouvernement accroisse considérablement sa dette. Fait exceptionnel, la banque centrale des États-Unis (Fed) a annoncé de manière simultanée qu'elle rachèterait une quantité illimitée de dette.
«C'est un moment épique concernant la fin de l'orthodoxie de la “séparation de l'Église et de l'État” entre les autorités financières et monétaires», explique Paul McCulley, un ancien économiste de Pimco, géant de la gestion d'actifs et professeur d'économie à l'université de Georgetown.
Hétérodoxie d'État
En effet, la coordination de ces deux stratégies tranche avec l'orthodoxie budgétaire et monétaire traditionnelle et se rapproche d'une théorie économique jusqu'ici marginale, la Théorie monétaire moderne (MMT).
Schématiquement, cette théorie veut que la dette d'un État qui contrôle sa monnaie importe peu, et qu'il lui est impossible de faire faillite puisqu'il ne risque pas de se retrouver à court de sa propre devise. La banque centrale est là pour imprimer de l'argent et repayer sa dette.
Les partisan·nes de la MMT estiment que les États-Unis devraient ainsi augmenter leur déficit, et pas seulement en cas de crise, afin de pouvoir augmenter les dépenses publiques et assurer le plein-emploi. C'est ce que réclament entre autre la gauche du parti démocrate représentée par Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez.
Cela dit, il ne faut pas voir le comportement de la Fed comme une nouvelle ère d'endettement pour les États-Unis. C'est avant tout la réponse exceptionnelle à une crise exceptionnelle et, pour nombre de critiques de cette théorie hétérodoxe, cela devrait le rester.
Ces sceptiques brandissent le risque d'inflation monstre menaçant un État qui s'endetterait sans compter en s'appuyant sur sa banque centrale et sur un usage immodéré de la planche à billets. Cette analyse, classique, fait d'ailleurs un relatif consensus au sein des cercles économiques.
Dans tout les cas, comme le résume le professeur Paul McCulley, «ce que cette crise a fait apparaitre, c'est que [la MMT] n'est plus seulement un débat académique». Elle vient de se faire un nom en entrant avec fracas sur le devant de la scène.