Nul doute qu'il reste à la Russie de Vladimir Poutine de nombreuses bombes, missiles, avions, tanks, munitions et soldats pour écraser ce qu'il reste de l'Ukraine. Nul doute également que celle que beaucoup décrivaient comme une redoutable puissance militaire est tombée sur un os plus bien plus difficile à ronger qu'elle ne l'imaginait.
Alors que Moscou commence à lancer ses missiles de croisière sur des cibles de l'ouest reculé de l'Ukraine avec la frappe, le 13 mars, d'une base à Lviv, la Russie aurait fait tomber 800 de ces coûteux projectiles sur le pays.
Les tanks et camions de ravitaillement marqués du fameux «Z» tombent les uns après les autres; selon l'État major ukrainien, dont les chiffres doivent donc être pris avec des pincettes, 374 chars auraient ainsi été perdus par Moscou dans les premières semaines de l'invasion, un chiffre estimé à 204 par l'observateur indépendant Oryx.
#UkraineWar: Visual evidence suggests Ukraine has lost at least 63 tanks since Russia began its invasion of the country. 60 of these tanks were T-64BVs.
— Oryx (@oryxspioenkop) March 13, 2022
Ukrainian tank losses: 63
Russian tank losses: 204 pic.twitter.com/wC1yDycK7L
Le bilan est aussi catastrophique au niveau aérien –preuve également que sur le plan militaire, les livraisons par l'OTAN d'armes anti-chars et air-sol à l'Ukraine, sur lesquelles plane officiellement la menace de frappes russes, sont de quelque utilité.
Là encore, les chiffres varient mais témoignent de la difficulté russe à s'emparer d'un ciel que ses jets préfèrent éviter de peur de faire une mauvaise rencontre; au moins une vingtaine de chasseurs et bombardiers auraient été abattus, plus du double à en croire les autorités ukrainiennes.
Moscou fait également appel à des renforts étrangers, de la Syrie du redevable Bachar al-Assad ou de nouveaux renforts tchétchènes, des images de trains transportant vers le front, en urgence, des véhicules logistiques civils aussi divers que pas vraiment taillés pour le combat ont circulé.
⭕️Russian railways: Transportation of civilian trucks (with mark Z) on March 5, 2022 . Presumably, the location is between Voronezh- Belgorod
— 🅻-🆃🅴🅰🅼 (@L_Team10) March 6, 2022
👉The train is loaded with nunber of busses, vans, fuel trucks+ 1 Tigr
👉 The 📹 Indicates requisition of civilian vehicles by #Russia pic.twitter.com/4BDrZVGp3N
Équilibre précaire
Bref, il reste encore sans doute beaucoup de puissance brute à exploiter côté russe mais, sans même parler des sanctions, la guerre décidée par Moscou lui coûte une fortune colossale en matériels militaires et il semble qu'elle a déjà du mal à joindre les deux bouts, ce qui pourrait d'ailleurs également arriver à la France en cas de conflit de haute intensité.
Tant de mal que, selon des officiels américains repris par le Washington Post, elle aurait déjà discrètement fait appel à son partenaire chinois pour lui demander un soutien matériel et militaire.
L'information est certes maigre: la source du quotidien a préféré conserver l'anonymat, et a ajouté qu'elle ne savait précisément quel type d'armements avait été réclamé, et quelle avait été la réponse d'une Chine jouant les équilibristes depuis le début du conflit.
L'information fuite néanmoins à un moment précis, la veille d'une rencontre à Rome entre Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, et sa contrepartie chinoise, Yang Jiechi.
«Nous nous assurerons que ni la Chine, ni quiconque ne puisse compenser les pertes russes, a expliqué Sullivan à NBC avant de partir pour l'Italie, comme le reprend le Financial Times. Je ne vais pas parler publiquement de tout ceci, mais nous communiquerons ceci de manière privée à la Chine, comme nous l'avons déjà fait et continuerons à le faire.»
Sur CNN, il se faisait plus offensif, expliquant que les États-Unis observaient de près d'éventuels soutiens matériels, militaires ou économiques, et qu'ils «ne laisseraient aucun pays compenser les pertes infligées à la Russie par les sanctions économiques qu'elle subit».
Les États-Unis mettent donc sur la table publique une pression qui ne se communiquait jusqu'ici que dans les couloirs plus ou moins feutrés de la diplomatie. C'est logique: sur le plan militaire et technique comme sur le plan économique, la Russie ne peut se tourner que vers la Chine, le «partenaire stratégique» avec lequel elle affichait à nouveau, lors des récents Jeux olympiques de Beijing, sa proximité.
Une proximité de fait depuis l'imposition par l'Occident de sanctions économiques drastiques à la Russie, notamment contre sa banque centrale. Alors que le pays aurait déjà perdu accès à la moitié de ses réserves, le ministre des Finances russes a expliqué qu'une grosse partie de celles encore accessibles étaient en or et en yuans, signalant que le commerce et la collaboration entre les deux nations étaient encore possibles.
C'est également le cas sur un plan technique et financier, Chine comme Russie ayant développé certains systèmes propres leur permettant de renforcer leur collaboration, malgré les sanctions occidentales, notamment sur le système interbancaire SWIFT.
Le Washington Post note cependant que si la Chine achète certaines de ses armes à la Russie, l'inverse ne semble pour l'instant pas vrai: personne ne sait précisément ce que la Chine pourrait donc apporter à la Russie sur le plan strictement militaire.
Mais sans même parler des systèmes les plus avancés, de missiles balistiques ou d'aéronefs dernier-cri, des drones, munitions, roquettes, camions et matériels logistiques pourraient sans doute aider Moscou dans sa ruineuse entreprise ukrainienne. Washington préfère donc prendre les devants et annoncer la couleur: à Beijing désormais de décider de quel côté elle va pencher.