C'est un nouveau sujet de dissension entre Taïwan et la Chine. Après les tensions concernant les semi-conducteurs et les avions militaires américains, c'est désormais l'ananas qui se retrouve au centre du conflit.
Le 1er mars, la Chine a interdit du jour au lendemain l'importation des ananas taïwanais, au motif officiel qu'ils sont susceptibles de porter des «bactéries nocives» mettant en danger la sécurité sanitaire et l'agriculture du pays.
Pour les dirigeant·es de l'île, il ne fait aucun doute qu'il s'agit de représailles purement politiques. «Cela ressemble à une véritable embuscade. Ce n'est évidemment pas une décision commerciale normale», s'est étranglée la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen.
Il n'en reste pas moins que l'arrêt soudain des exportations a plongé Taïwan dans l'embarras. Grâce à son climat tropical, l'île produit chaque année plus de 500.000 tonnes d'ananas. Plus de 90% des 46.000 tonnes exportées sont destinées à la Chine.
Ananas de la liberté
Que faire de tous ces ananas en surplus? Ni une ni deux, l'ensemble de la classe politique taïwanaise s'est mobilisé afin de trouver des solutions.
Le jour même de l'interdiction, Tsai Ing-wen a lancé sur Twitter un appel à la population afin de l'encourager à consommer davantage de fruits. Sur les réseaux sociaux, le ministre des Affaires étrangères Joseph Wu a également fait diffuser une campagne, laquelle tourne autour du hashtag #freedompineapple («ananas de la liberté»). Quant au ministère de l'Agriculture, il a mis en place une plateforme permettant aux entreprises et aux particuliers d'en commander en ligne.
Time for some Pineapple! #freedompineapple pic.twitter.com/0vGooIra2p
— Bi-khim Hsiao 蕭美琴 (@bikhim) February 27, 2021
La campagne de mobilisation a rencontré un franc succès. Les grands distributeurs taïwanais, les sites de vente en ligne et des dizaines d'autres piliers de l'industrie agroalimentaire ont commandé des milliers de tonnes d'ananas, rapporte La Croix, et les recettes autour de ce fruit ont fleuri sur les réseaux sociaux.
En moins de quatre jours, selon le ministère de l'Agriculture, les fermiers taïwanais avaient déjà reçu des commandes équivalant à plus de 41.687 tonnes d'ananas. De quoi compenser la quantité des exportations chinoises.
Taïwan a aussi pris conscience qu'il lui était possible de développer davantage de marchés à l'export. Le 4 mars, le Japon a ainsi passé commande de 6.000 tonnes d'ananas taïwanais, un record à destination de ce pays.
Wu Ching-lu, le responsable de l'Association des exportateurs de fruits et légumes taïwanais, a même certifié que le Japon avait le potentiel d'absorber la totalité de la production exportée jusqu'ici vers la Chine.
De son côté, le président de la Commission de l'agriculture, Chen Chi-chung, s'est engagé à «multiplier le nombre de pays acheteurs», suggérant que les ananas surnuméraires pourraient être écoulés sous forme de gâteaux, fruits secs, jus, ou encore en boîtes de conserve.
Il se pourrait bien que la Chine ait finalement rendu un fier service aux cultivateurs taïwanais.