«Vos profits ne valent pas la promotion de la haine, du fanatisme, du racisme, de l'antisémitisme et de la violence», peut-on lire sur le site de la campagne Stop Hate for Profit, lancée dans la continuité du mouvement Black Lives Matter et organisée par diverses associations américaines de défense des droits civiques.
Inaugurée durant le mois de juin dans le but de persuader les marques de boycotter les publicités Facebook pour le mois de juillet, cette campagne accuse Mark Zuckerberg d'inaction contre la propagation de discours de haine et de désinformation sur la plateforme, qui compte plus de 2 milliards et demi d'inscrit·es dans le monde.
L'appel ayant été entendu par un nombre grandissant d'annonceurs importants comme Adidas, Ben & Jerry's, Starbucks ou encore Coca-Cola, les boycotts «pourraient coûter à Facebook plus de 250 millions de dollars» de ventes, estime Bloomberg Intelligence.
L'entreprise de Mark Zuckerberg réalise 98% de ses revenus annuels grâce aux recettes publicitaires. L'impact de l'appel au boycott n'est donc pas passé inaperçu à Wall Street: le cours de son action a chuté de plus de 8% vendredi 26 juin, après que le géant Unilever (Lipton, Magnum, etc) a annoncé qu'il rejoignait le mouvement. Lundi 29, les actions de Facebook baissaient encore de 2,5%, faisant perdre 80 milliards de dollars [71,2 milliards d'euros], à la valeur boursière de la compagnie.
Un chiffre d'affaires en progression
Pourtant, les analystes restent optimistes quant au vaste business de la plateforme. Malgré les remous et le déficit d'image, Wall Street s'attend ainsi à ce que Facebook publie un chiffre d'affaires annuel de 77,1 milliards de dollars, en progression par rapport à 2019.
Le cabinet d'avocats MKM Partners note que le réseau social se rémunère grâce à des millions de petits annonceurs à travers le monde. Une part importante de ses revenus ne dépend pas uniquement des grosses firmes.
Analyste chez JPMorgan, Doug Anmuth rappelle que Facebook «a déjà subi des crises avec des annonceurs» et que, même après des scandales de l'ampleur de celui de Cambridge Analytica, «les spécialistes du marketing sont revenus sur la plateforme».
Jusqu'à présent, l'équipe de Stop Hate for Profit s'est uniquement concentrée sur la publicité aux États-Unis, mais elle est prête, dorénavant, à diffuser la campagne à l'échelle mondiale.
En (modeste) réaction, Facebook a annoncé la fermeture de centaines de groupes considérés comme dangereux tels que le mouvement d'extrême droite anti-étatique des boogaloo. La labellisation de tous les posts liés au processus électoral américain a également été suspendue. L'entreprise s'est aussi dotée d'un dispositif de surveillance accrue du hate speech dans les publicités qu'elle diffuse.
Pris dans la tourmente et jusqu'ici inflexible concernant sa vision de la liberté d'expression, Mark Zuckerberg aurait-il compris que, au-delà de la vague actuelle, un mouvement de fond était en train de prendre forme?
Rien n'est moins sûr: selon The Information, il aurait expliqué à quelques un·es de ses employé·es que Facebook n'allait pas changer pour si peu, que la question n'était pas financière mais d'image et, reprenant les analyses des spécialistes, que les annonceurs seraient bientôt de retour sur la plateforme.