Ils se détestent. Depuis plusieurs semaines, Mark Zuckerberg et Tim Cook s'échangent des noms d'oiseaux et s'accusent mutuellement des pires forfaitures. La dernière querelle entre les deux entreprises porte sur la volonté d'Apple de restreindre l'accès aux données personnelles des applications tierces.
Disponible dans la prochaine mise à jour d'iOS 14, cette fonction nécessitera l'accord des utilisateurs, ce qui met en danger le modèle économique de Facebook. Ce dernier vend ses données à des petits commerçants et des courtiers privés qui s'en servent pour créer des publicités personnalisées.
Facebook s'est offert des pleines pages dans les journaux pour «s'élever face à Apple dans la défense des petites entreprises». Dans un billet de blog, Dan Levy, vice-président en charge de la publicité et des produits commerciaux de Facebook, affirme que les petits commerçants pourraient perdre jusqu'à 50% de leurs revenus.
Il explique aussi que cette mise à jour poussera les petites firmes à se tourner vers un modèle payant, avec des abonnements et des achats intégrés à l'application, ce qui va de fait avantager Apple, qui prélève une commission dessus.
Tim Cook s'est également attiré les foudres de Mark Zuckerberg pour avoir commenté de façon peu amène les évènements du Capitole, en condamnant «les théories du complot alimentées par les algorithmes», faisant implicitement allusion à Facebook.
C'est peu dire que le patron du réseau social a vu rouge. Selon le Wall Street Journal, Mark Zuckerberg se serait épanché en privé en déclarant vouloir «infliger du mal» à Apple pour s'être mal comporté avec lui.
De son côté, Facebook a ouvertement soutenu Epic Games en décembre dernier, alors en guerre contre la commission de 30% prélevée par Apple.
La Guerre froide se réchauffe
Au fil des ans, les visions de Facebook et Apple sont de plus en plus divergentes. Apple se positionne comme le garant du respect de la vie privée, tandis que Facebook en fait la base de son commerce.
Tim Cook et Mark Zuckerberg ont également des personnalités diamétralement opposées. Le premier, âgé de 60 ans, est un spécialiste de la logistique et un habile diplomate. À 36 ans, le second est un ancien décrocheur de Harvard qui vantait il y a peu la fin de la vie privée comme une nouvelle norme sociale.
Pourtant, Mark Zuckerberg a récemment affirmé qu'il voyait la firme à la pomme comme «l'un de ses principaux concurrents». Les deux entreprises se livrent par exemple une bataille sur le terrain de la messagerie, Zuckerberg affirmant que l'application WhatsApp est «clairement supérieure» à iMessage.
D'après le site The Information, Facebook préparerait aussi une montre connectée, de quoi marcher sur les plates-bandes de l'Apple Watch, qui domine outrageusement le marché. Les deux entreprises investissent aussi dans les nouveaux moyens de paiement.
Le temps où Tim Cook qualifiait Facebook de «partenaire» semble bien loin. Et c'est devant les tribunaux que l'inimitié désormais publique entre les deux dirigeants s'apprête à se régler.
Toujours selon The Information, Facebook étudierait la possibilité de déposer une plainte antitrust, accusant Apple d'imposer aux développeurs des règles que ses propres services ne respectent pas.