«Aurons-nous suffisamment de personnel lorsque nos établissements reprendront à 100% fin juin?» Voilà la question lancinante que se posent tous les propriétaires de cafés-restaurants en ce moment.
«On estime que 100.000 salariés manquent dans les effectifs», s'alarme Hervé Becam, vice-président national de l'UMIH (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie). Un chiffre énorme, comparé aux 650.000 que compte la profession.
Si une bonne partie du personnel est restée fidèle grâce au chômage partiel, les extras, CDD et saisonniers se sont évaporés dans la nature, lassés de confinements et reconfinements à répétition ou allant voir si l'herbe était plus verte ailleurs.
«La période d'inactivité depuis novembre a permis une remise en question de beaucoup, aspirant à un rythme de vie plus traditionnel», avoue Christophe Thiriet, directeur général de la partie hôtelière et immobilière du groupe Heintz. Sans compter que beaucoup craignent pour leur santé, alors que l'on présente les restaurants comme foyers de contamination.
Dans un premier temps, les restaurants pourront compter sur une main-d'œuvre temporaire: les étudiants qui cherchent un job d'été, ou encore les apprentis, qui pourraient se voir proposer des formations courtes intensives ou complémentaires pour compenser l'absence de stages pratiques pendant la crise, suggère Roger Sengel, président de l'UMIH du Bas-Rhin.
À la tête de neuf restaurants à Strasbourg, Cédric Moulot reconnaît «qu'il ne sera pas possible de repartir comme avant. Avec le chômage partiel, les gens ont pris un autre rythme de vie. Il va falloir se réinventer, faire des concessions sur les conditions des congés, la formation, le salaire…».
Facture salée
La question de la rémunération, justement, commence déjà à se faire sentir outre-Atlantique, où les restaurants ont rouvert en avril. Les fast-foods distribuent déjà des primes à l'embauche, et la chaîne Chipotle Mexican Grill offre les frais de scolarité à tous les étudiants s'engageant au moins quinze heures par semaine, rapporte le Wall Street Journal.
Le manque de main-d'œuvre est tel que la compétition fait rage, y compris entre les secteurs d'activité. Amazon et le distributeur Costco ont augmenté leur salaire à respectivement 15 et 16 dollars par heure et siphonnent le vivier de personnel peu qualifié dans lequel puisent habituellement l'hôtellerie-restauration.
Entre les jauges à 50%, les aménagements (terrasse, ventilation…), les achats de masques et gel hydroalcoolique et la hausse des salaires, la plupart des restaurateurs n'auront sans doute d'autres choix que de remonter leurs prix, et ce malgré les généreuses aides de l'État qui ont été prolongées en France.
Mais, alors que nous sommes privés de bars depuis le mois d'octobre, l'envie des clients dépassera sans doute l'inflation de l'addition, espèrent-ils.