Certain·es des salarié·es du studio parisien Quantic Dream peuvent en témoigner: dans le secteur du jeu vidéo, la culture d'entreprise peut engendrer sexisme agressif et harcèlement, pratiques managériales douteuses, inégalités salariales entre hommes et femmes ou cadences insoutenables.
Les employé·es de Riot Games, éditeur américain du hit de l'e-sport League of Legends, l'ont appris à leurs dépens. Comme le rapportait en 2018 une enquête du site spécialisé Kotaku, une ambiance toxique, un sexisme violent et un harcèlement constant avaient pu se développer sans contrôle au sein de Riot Games, où les postes à responsabilités étaient inaccessibles aux femmes et où le «gender gap» salarial était patent.
En novembre 2018, deux d'entre elles décidaient de poursuivre la compagnie pour des faits de harcèlement sexuel et d'inégalité salariale. Un an plus tard, les deux parties signaient un accord selon lequel le studio, pour esquiver le procès, s'engageait à verser la somme de 10 millions de dollars [9 millions d'euros] aux victimes.
Très loin du compte
Il ne restait qu'à valider l'accord devant un juge. Mais deux agences californiennes –dont le Department of Fair Employment and Housing (DFEH), qui menait en parallèle sa propre enquête sur Riot Games– ont décidé de se saisir de l'affaire pour l'examiner d'un peu plus près.
Et selon le DFEH, l'accord signé entre les deux parties serait loin, très loin d'un compte équitable. Les deux demandeuses seraient ainsi en droit d'exiger non pas 10 millions de dollars à Riot Games, mais au moins quarante fois plus, soit plus de 400 millions de dollars [360 millions d'euros].
L'agence va jusqu'à critiquer les avocat·es des plaignantes, qui n'auraient pas effectué suffisamment de recherches et auraient commis plusieurs erreurs procédurales. En 2019 et en vertu d'une loi de 2004, une autre agence de l'État, la Division of Labor Standards Enforcement (DLSE), pointait précisément les mêmes fautes et manquements, et réclamait le droit d'intervenir dans l'affaire.
Dans ses conclusions, la DFEH ajoute que l'accord ne prévoit rien pour mettre fin aux pratiques dont Riot Games est accusé. Le studio a vivement réagi par la voix de son porte-parole, Joe Hixson. Il explique que la firme, comme les avocat·es mis·es en cause qui contestent aussi les conclusions du DFEH, ont travaillé dur pour aboutir à un «accord que nous trouvons collectivement juste pour les membres de la class action».
Hixson avance en outre que l'agence californienne ignore et minimise «les efforts faits ces dix-huit derniers mois en faveur de la diversité, de l'inclusion et de la culture» au sein de Riot Games.
C'est désormais aux tribunaux de décider si ces agences, en particulier la DLSE, sont en droit ou non d'intervenir dans l'affaire. Si c'était le cas, la facture pourrait être très salée –et symboliquement importante– pour Riot Games.