Le parallèle peut surprendre: Uber serait un nouvel Amazon. Cette dernière, que l'on appelle maintenant «The Everything Store», a débuté en vendant modestement des livres sur internet et proposerait désormais 120 millions de produits disponibles en un clic. La marque la plus puissante du monde investit tous azimuts –cloud, jeu vidéo, internet par satellite, santé, transport.
«Le Google du transport»
Patron d'Uber, Dara Khosrowshahi s'est lancé dans les comparaisons mi-juin, lors de l'Uber Elevate Summit. Les performances boursières médiocres de la firme depuis sa fracassante mais fracassée entrée en bourse la poussent à remotiver troupes comme investisseurs en dessinant un avenir glorieux pour sa plateforme. «Nous ne voulons pas simplement être l'Amazon du transport, nous voulons également devenir les Google du transport», a-t-il déclaré, bravache.
«Nous voulons être votre cas d'usage quotidien, quand vous vous levez et quand vous allez au travail, ou quand vous sortez dîner ou allez voir un ami, nous voulons être présents», a-t-il ajouté. Un brin inquiétant.
Ce désir d'omniprésence s'appuie avant tout sur ce qui fait la force d'Uber: son application. Grâce à elle, l'entreprise fondée en 2009 par Garrett Camp, Oscar Salazar et Travis Kalanick et depuis entrée dans le langage courant (on commande un Uber, on se fait ubériser) a pris une avance décisive (mais pas forcément définitive), tant technique (gestion des flux, des tarifications ou des paiements) qu'en matière de marketing.
C'est autour de cette application que l'univers aux mille tentacules imaginé par Uber va se développer. Partez d'un point A, allez à un point B: entre les deux, Khosrowshahi, ses troupes et ses technologies vous proposeront bientôt de tout prendre en charge, en un clic et un paiement unique.
Multi-multi-modal
Il y a bien sûr les chauffeurs «traditionnels», dans plusieurs gammes. Mais les Parisien·nes n'ont pas manqué de remarquer l'installation, en avril dernier, d'une flotte de trottinettes et vélos rouges marqués d'un grand «Jump» blanc: ils sont la propriété d'Uber et peuvent aussi être commandés via l'application de l'entreprise.
Cette multi-modalité naissante pourrait prendre, dans les années qui viennent, toutes les formes que l'on peut imaginer –à roues, à pales, à ailes, sans chauffeur ou avec, pour des micro ou longues distances.
Uber va ainsi lancer en juillet un service de transport par hélicoptère entre Manhattan et l'aéroport JFK –la course, qui comprendra également la partie terrestre du «dernier kilomètre», devrait coûter entre 200 et 225 dollars par personne (entre 175 et 200 euros environ), l'équivalent d'un trajet routier dans un luxueux Uber Black.
Y a-t-il un pilote?
Ces vols new-yorkais ne seront qu'un prélude à la naissance d'Uber Air, dont les tests devraient se dérouler en 2020 à Dallas, Los Angeles et Melbourne, avec des premiers vols commerciaux prévus pour 2023. Uber s'est associée à la Nasa, rien de moins, pour concrétiser le vieux rêve de voiture volante –à terme, il est même souhaité que ces véhicules puissent voler sans pilote.
Sans pilote dans les airs, sans chauffeur sur terre: après le drame de mars 2018, Uber reprend également sa marche en avant dans le domaine des voitures autonomes, avec la récente présentation d'un prototype de nouvelle génération, cette fois conçu en collaboration avec Volvo.
Même les transports en commun qu'elle n'a pourtant pas développés pourraient bientôt transiter par l'application d'Uber, pour l'achat de tickets notamment: comme le note Axios, c'est déjà le cas dans les villes de Boston ou de Denver. En cas d'incident voyageur ou de bus en retard, il est ainsi d'autant plus facile de commander un VTC.
Axios note enfin, dans sa liste des domaines que couvre ou cherche à couvrir Uber, que son activité pourrait ne pas s'arrêter au cas du transport de particuliers. On pense notamment à Uber Eats, déjà connu de ce côté de l'Atlantique, ou à Uber Health, qu'utilisent divers acteurs du secteur de la santé pour transporter les patient·es.
Bref: à moins d'un cataclysme, de profonds changements législatifs (notamment sur le statut des chauffeurs) ou sociétaux mettant en péril son modèle, du surgissement soudain d'un concurrent suffisamment sérieux pour lui faire perdre son avantage concurrentiel, nous n'échapperons probablement pas à Uber dans les prochaines années.