Certes, oui, c'était en 1822; à l'époque, Google Maps n'existait pas, ce qui a quelque peu facilité les choses. Mais cet escroc à tout de même réussi un remarquable tour de passe-passe.
Écossais d'une famille aristocrate désargentée, Gregor MacGregor passe une dizaine d'années au cœur des luttes indépendantistes sud-américaines, où il brille par sa lâcheté et sa médiocrité.
Pour tenter de se refaire, il décide d'essayer de tirer profit de 32.000 kilomètres carrés de terre, sous domination britannique, qu'on lui a cédés. Il invente de toute pièce un pays, avec son gouvernement, sa monnaie et ses infrastructures. Son but? Attirer les investisseurs et voler la caisse.
Faux drapeau, blason licorne et chansonnettes
Pour crédibiliser son histoire, il crée un drapeau ainsi qu'un blason, composé de deux licornes –un acte manqué, peut-être. À Londres, MacGregor se fait passer pour le cacique, le chef de ce soi-disant nouveau pays, baptisé «Poyais».
Il publie le détail de ses actions pseudo-gouvernementales dans un journal anglais, distribue des brochures publicitaires et va même jusqu'à écrire et chanter des chansons louant la gloire de Poyais.
Profitant du contexte d'une bulle spéculative sur une Amérique du Sud en plein développement, le subterfuge fonctionne. Il vend des centaines d'actions, promettant un retour rapide sur investissement.
Au total, ce sont trois bateaux, remplis de futurs habitants ayant signé des contrats de travail avec un supposé gouvernement Poyaisien, ainsi que d'investisseurs ayant vendu leurs biens en Europe pour acheter un bout de terre de l'autre côté du monde, qui débarquent sur la côte est de l'actuel Honduras.
Annoncé comme une terre fertile aux rivières remplies de poissons et aux forêts foisonnantes, Poyais a tout pour plaire. Les aspirants colons déchantent pourtant vite, comme le raconte l'un des investisseurs malheureux dans ces incroyables archives.
En lieu et place d'une ville à l'européenne avec son centre-ville, sa banque et son théâtre, les migrants découvrent une nature sauvage et particulièrement hostile, meublée de quelques huttes en bambou. Plus d'une centaine de personnes mourront de la chaleur, de l'humidité extrême, de la faim et de la malaria.
Le plus surprenant? Après la révélation de la supercherie, aucun des survivants n'a reproché l'arnaque à Gregor McGregor. Certains ont même manifesté contre la couverture médiatique de «l'affaire Poyais», et signé un document attestant que MacGregor, également une victime, n'avait rien fait de mal.