Qui n'a jamais pesté en recevant un caca d'oiseau sur la tête? Le guano est pourtant une matière très recherchée depuis des siècles pour sa fonction de fertilisant.
Selon une étude parue en août 2020, le guano génère 474 millions de dollars (391 millions d'euros) de richesse par an dans le monde en remplissant différentes fonctions écologiques.
Il peut ainsi augmenter la biomasse de poissons de 48% en fertilisant le phytoplancton qui les nourrit. «En l'absence de guano, le stock de poissons vivant dans les coraux serait réduit d'un tiers», affirment les auteurs.
Le guano est de fait valorisé depuis plus de 4.000 ans, raconte le magazine en ligne Hakai. Les Incas, par exemple, récoltaient les déjections d'oiseaux marins en bateau, puis les transportaient à dos de lama jusqu'aux champs dans les Andes. L'une des déesses les plus vénérées s'appelait même Urpi Huachac («La dame du guano»).
Lorsque les Européens ont débarqué et se sont aperçus du potentiel du guano pour leur agriculture, ce dernier est devenu une denrée à haute valeur ajoutée, à l'instar du café, du tabac ou du sucre.
Entre 1840 et 1880, le Pérou a ainsi exporté 11,5 millions de tonnes de guano, ce qui représenterait aujourd'hui environ 13 milliards de dollars (10,7 milliards d'euros), écrit Gregory Cushman dans le journal Environmental History.
Du guano à tout prix
Le guano avait une valeur si importante que le président américain Millard Fillmore déclara dans son discours inaugural sur l'état de l'Union que le gouvernement devait «employer tous les moyens en son pouvoir» pour s'en emparer, relate Hakai.
Peu de temps après, une loi était votée au Congrès américain pour prendre possession de 200 îles recouvertes de déjections d'oiseaux, attentivement surveillées par une flottille de gardes. Les États-Unis possèdent encore neuf de ces îles aujourd'hui.
En 1864, l'Espagne s'empare des Îles Chincha, trois petites îles du Pacifique où nichent beaucoup d'oiseaux de mer, et réclame une rançon au Pérou, qui n'a d'autre choix que de s'exécuter pour récupérer l'accès à son précieux guano.
La guerre du guano prend fin au début du XXe siècle lorsque les chimistes allemands Fritz Haber et Carl Bosch mettent au point le procédé portant leur nom, qui permet de fixer l'azote atmosphérique sous forme d'ammoniac pour fabriquer des engrais azotés.
Bien que polluant, cet engrais azoté de synthèse est toujours largement utilisé dans l'agriculture. Mais avec l'essor du bio, certains producteurs en reviennent au bon vieux guano.
Et si d'autres animaux produisent des excréments fertilisants (comme le lisier de cochon), les millions d'oiseaux de mer nichant sur les côtes d'Amérique du Sud restent une source unique de richesse dans cette région.