Lors de la vague de démocratisation d'internet, les grandes entreprises du divertissement ont eu quelques sueurs froides. C'est compréhensible: avec le web est arrivé le piratage, le tout-gratuit et un moyen pour n'importe qui de pouvoir créer et partager sa musique, ses vidéos ou ses textes à un immense public sans passer par les producteurs et les distributeurs traditionnels.
Dans un rapport intitulé «The Sky is Rising», le think tank Copia et la Computer & Communications Industry Association (CCIA), une organisation de défense des entreprises du net, suggère que loin d'avoir nui à l'industrie du divertissement, internet lui a bien au contraire largement bénéficié –malgré la casse et les réorganisations incessantes, le secteur est même aujourd'hui en très bonne santé, note le document.
Son premier constat est que, contrairement à certaines prédictions, internet n'a pas tué la propension des client·es à payer pour leur divertissement. Au contraire: selon les statistiques du Digital Entertainment Group, après une baisse due à la récession post-2008, les dépenses moyennes en divertissement des foyers américains atteignent des records.
Aux débuts du piratage, certains s'inquiétaient également de la possibilité de gagner de l'argent grâce à la musique, et donc d'un potentiel déclin de la créativité. Seulement, le rapport cite l'IFPI (Fédération internationale de l'industrie phonographique) pour montrer que, si les revenus générés par la musique ont effectivement décliné de 2000 à 2014, ils se sont depuis redressés, portés par l'essor du streaming, des revenus des concerts ou de ceux du merchandising. Internet a certes transformé l'industrie musicale, mais ne l'a pas détruite.
Un secteur plus fragmenté qu'avant
Le but du rapport semble être de prouver que les majors de l'entertainment ont largement exagéré le préjudice qu'internet pouvait leur causer. Pour ce qui est du streaming vidéo par exemple, le rapport affirme que l'ampleur du streaming a largement compensé la chute de la vente de DVD.
Toutefois, si c'est le cas au niveau global de l'industrie, il faut prendre en compte le fait que, même si c'est peut-être en passe de changer, les studios hollywoodiens classiques ont beaucoup de mal à percer l'industrie du streaming, qui reste encore largement dominée par Netflix et Amazon.
L'émergence de nouveaux compétiteurs n'est pas forcément une mauvaise chose, mais elle ne prouve pas que les majors historiques avaient tort de redouter l'avènement du tout-en-ligne.
Le rapport affirme qu'après quelques difficultés à s'adapter, les industries de la création surfent désormais sur le succès du web, qui leur rapporte des revenus majeurs. C'est vrai, mais elle a réussi grâce aux nouveaux entrants –Netflix, Apple, Spotify ou Amazon (membre du CCIA)– et non pas aux acteurs historiques.
D'autant que le rapport met en avant la création de contenu original sans cesse croissante de Netflix, qui prouverait la vitalité renouvelée de la production audiovisuelle. C'est oublier que cette production effrénée est encore largement soutenue par une dette longue comme le bras, plutôt que par les abonnements. Et que rien ne dit qu'elle pourra continuer longtemps à ce rythme.
Toutefois, le constat reste juste. Alors que certains observateurs promettaient que Napster mettrait fin au copyright, et donc à la motivation derrière la créativité artistique, internet s'est plutôt imposé en tant que force créative.
Today we launched the latest #TheSkyIsRising report: https://t.co/8Tfa0uk2Sy Please check it out. For over two decades now, the entertainment industry has insisted that the internet has been destroying their industry. Using THEIR OWN NUMBERS we show the opposite is true.
— Mike Masnick (@mmasnick) 8 avril 2019
Le problème, selon les auteurs du rapport, est que les grandes entreprises historiques se posent en victime par rapport à internet, et réclament une adaptation de la loi afin de les protéger. L'un d'eux, Michael Masnick, souligne sur Twitter qu'il aurait aimé que le rapport sorte avant le vote fin mars de la «directive copyright» par l'Union européenne. Directive censée protéger les ayants droit contre les internautes et contre laquelle Google, membre du CCIA, s'était positionné en tant que premier opposant.