Après une dizaine d'années à diffuser bénévolement la propagande de Pyongyang, le Catalan Alejandro Cao de Benós a été promu en 2002 délégué spécial du ministère des Affaires étrangères nord-coréen. À 45 ans, il est désormais l'homme du régime en Europe. Selon ses dires, il est très sollicité et doit refuser beaucoup de demandes.
Ouvrir un McDonald's en Corée du Nord? Désolé, les entreprises privées sont techniquement interdites en RPDC. Envoyer des t-shirts à l'effigie du Livre de Mormon? Navré, seules les religions qui étaient déjà implantées sur le territoire lors de l'indépendance de la Corée du Nord sont autorisées.
L'activité est risquée. Fin 2018, l'homme a été contacté par une personne se présentant comme un banquier de Dubaï intéressé par les mines nord-coréennes. Mais le 22 février 2019, lors du rendez-vous pris à l'ambassade, un commando de dix hommes a pris le personnel en otage et volé des documents.
En juin 2016, il avait lui-même été arrêté pour trafic d'armes. Il détenait des équipements normalement non-létaux, comme des pistolets de départ, mais qui avaient été modifiés pour pouvoir tirer des balles réelles. Il a expliqué à la police qu'il s'en servait pour assurer sa propre sécurité.
L'espagnol dans son étrange bar à thème, le Pyongyang Café, à Tarragone. | Josep Lago / AFP
Applications, dessins animés et cryptomonnaie
Depuis les terribles famines qui ont ravagé le pays entre 1994 et 1998, la Corée du Nord est passée contrainte et forcée d'une économie essentiellement planifiée à un système mixte. Habitué à faire du business avec la Chine, le régime cherche désormais à attirer les investissements étrangers du monde entier.
Cao de Benós gère aussi l'établissement à thème Pyongyang Café, à Tarragone. Il est surtout rémunéré par des commissions sur les investissements et assure vivre chichement. Toutefois, une enquête du site spécialisé NK News affirme qu'il exigerait des frais très importants de la part des investisseurs et qu'il exagèrerait l'étroitesse de ses liens avec le régime. Il faut dire que les sanctions de Washington font courir un sérieux risque juridique aux personnes qui font des affaires avec la RPDC, surtout si elles sont américaines.
En avril 2019, Cao de Benós a organisé la première conférence nord-coréenne sur les cryptomonnaies, à Pyongyang. Elle était ouverte à tout le monde sauf aux personnes venant du Japon, de Corée du Sud et d'Israël. Un des participants américains, Virgil Griffith, risque désormais vingt ans de prison aux États-Unis.
Selon lui, les investissements les plus faciles à réaliser concernent les mines, l'hôtellerie et l'informatique. Des opportunités existent aussi dans les secteurs textile ou pharmaceutique ainsi que dans l'industrie lourde.
Par ailleurs, des entreprises étrangères font appel à des sous-traitants nord-coréens pour développer des applications ou travailler sur des films d'animation –associés à Banksy, les Simpsons en ont fait un fameux générique, qui visait toutefois la Corée du Sud plutôt que sa sœur nordique. Le travail invisible des petites mains de la RPDC est partout.
