Au Japon, chaque adulte dispose en moyenne de 2,7 cartes de crédit; en mars 2019, quelque 283 millions de cartes bancaires y étaient en circulation, selon les dernières données de l'Association japonaise de crédit à la consommation.
Ce chiffre augmente peu ou prou de 2% par an. Mais en 2020, la hausse est bien plus rapide, notamment en raison du confinement, qui a poussé les Japonais·es à commander depuis leur domicile et à utiliser des moyens de paiement dématérialisés.
La frénésie pour les cartes de crédit est telle qu'elle fait aujourd'hui craindre une pénurie de numéros, rapporte le journal japonais Mainichi Shimbun.
Chaque carte est munie d'un numéro à seize chiffres, soit en théorie dix millions de milliards de combinaisons possibles. Sauf qu'il n'est pas attribué au hasard, et que sa composition répond à des règles bien précises.
Les six premiers chiffres indiquent le pays, le type de carte ou la marque, tandis que les dix autres sont gérés par les sociétés de cartes de crédit elles-mêmes et fournissent des informations telles que le numéro de compte et le type de contrat de la personne titulaire de la carte.
Des chiffres et des dettes
La soudaine envolée du nombre de cartes de crédit au Japon n'est pas seulement liée au confinement. Elle a débuté en octobre 2019, après que le gouvernement a lancé un système de récompense visant à encourager le paiement par carte.
Dans l'archipel nippon, à peine 20% des transactions se font de manière dématérialisée, contre 96% en Corée du Sud et 66% en Chine, relève l'Association japonaise des paiements, un lobby du secteur.
La campagne semble avoir fonctionné au-delà des espérances, et les opérateurs de cartes de crédit se retrouvent aujourd'hui confrontés à un vrai casse-tête.
Le plus simple serait évidemment d'augmenter le nombre de chiffres sur les cartes, mais les entreprises concernées sont très réticentes, à cause du coût et de la complexité d'une telle refonte. Entre les contraintes techniques et les essais préalables pour la lutte contre la contrefaçon, la facture pourrait s'élever entre 10 et 100 millards de yens [80 à 800 millions d'euros], estime le Mainichi Shimbun.
Et c'est sans compter sur les perturbations induites par une telle décision: faudra-t-il changer toutes les cartes en circulation ou les deux types pourront-ils coexister côte à côte? Quid des logiciels informatiques et sites internet prévus pour des codes à seize chiffres? Comment les 280 opérateurs de cartes de crédit, petits ou grands, vont-ils se répartir les frais?
«Nous ferons tout pour éviter d'augmenter le nombre de chiffres», jure un responsable de l'une de ces sociétés. Des mesures palliatives ont été adoptées, comme la réutilisation de numéros de cartes inactives depuis une certaine durée ou annulées par les titulaires. La solution est cependant loin d'être idéale, car elle expose à un risque accru de fraude.