Moins célèbre que Nintendo, Sony ou Toyota, l'entreprise Dentsu est pourtant un pilier de l'économie japonaise. Première agence du pays, et cinquième au monde, Dentsu règne sans réelle concurrence sur le marché de la publicité japonaise. C'est elle qui a convaincu plus de soixante sponsors de dépenser plus de 3 milliards d'euros dans les Jeux olympiques de Tokyo, un record absolu.
L'agence dispose d'une puissante emprise sur les médias japonais, qui ne peuvent se passer d'elle. Comme l'explique le New York Times, «Dentsu vend des publicités réalisées par Dentsu, avec des acteurs représentés par Dentsu, à des chaînes de télévision dont la vente des encarts publicitaires est gérée par Dentsu».
Cette extraordinaire influence s'étend sur tout l'archipel, tant sur le plan corporate que sportif et politique. Shinzo Abe apparaissant déguisé en Super Mario lors de la cérémonie de clôture des Jeux de Rio en 2016: une idée de Dentsu, dont Nintendo est l'un des clients.
L'entreprise s'est fortement impliquée dans le processus de sélection de la ville hôte des JO 2020. En plus d'un don de 6 millions d'euros à la campagne tokyoïte, l'entreprise a effectué un intense lobbying auprès du Comité international olympique (CIO). Jusqu'à s'attirer des accusations de corruption et de conflits d'intérêt, Dentsu étant le partenaire marketing historique du CIO au Japon.
Migraine olympique
Lorsque Tokyo a été sélectionné pour accueillir les Jeux olympiques 2020, Dentsu a donc naturellement été désigné comme partenaire marketing exclusif. Un contrat en or massif.
N'hésitant pas à représenter des entreprises concurrentes, elle a notamment supprimé la tradition voulant qu'une seule société d'un secteur donné soit sponsor officiel. Les JO de Tokyo sont ainsi sponsorisés par deux banques et deux compagnies aériennes.
Pas de chance: à cause de la pandémie de Covid-19, les Jeux olympiques ressemblent cette année à une catastrophe au ralenti. Les sponsors se retrouvent non seulement avec des Jeux sans public, mais les Japonais sont en grande majorité contre la tenue des JO dans leur pays, un tiers seulement s'y déclarant favorables.
Malgré tous les efforts que l'agence a déployés, Dentsu se retrouve avec une immense migraine, puisque les sponsors se montrent désormais très hésitants à mettre en avant leur participation à l'événement. Toyota a notamment annoncé que l'entreprise n'allait pas diffuser au Japon de publicité télévisée au sujet des Jeux.
En mai, le prestigieux quotidien Asahi Shimbun a publié un éditorial critiquant violemment le maintien de la compétition sportive et appelant le gouvernement à les annuler. L'Asahi Shimbun est partenaire officiel des JO de Tokyo.