C’est un temps que les moins de 30 ans n’ont pas connu et que les plus âgés ont peut-être oublié: celui du livreur de lait, qui chaque jour venait reprendre sur le pas de portes de tous les foyers les bouteilles vides pour les remplacer par d’autres, pleines; celui des bouteilles en verre consignées à l’épicerie ou au supermarché –jeter le contenant sans le recycler signifiait alors pour le consommateur payer le contenu quelques centimes de francs de plus.
C’est un temps vers lequel il est peut-être urgent de revenir, les impératifs écologiques ne se contentant plus d’un recyclage non seulement coûteux mais à l’efficacité partielle. C'est là qu'intervient Loop, une coalition de grandes marques et multinationales formée autour de l’entreprise TerraCycle, bien décidée à convertir le consommateur et la consommatrice à l'utilisation quotidienne de conditionnements réutilisables plutôt que recyclables ou jetables.
Recycler n'est pas la panacée
«Nous sommes aujourd’hui en charge de la plus grande chaîne de recyclage de déchets plastiques dans l’océan», a expliqué Tom Szaky, co-fondateur de TerraCycle, à Fast Company. «Nous récoltons, nous retraitons puis ça repart chez Unilever ou Procter & Gamble. Mais on rejette de plus en plus de plastique dans l’océan, donc quels que soient nos efforts pour le nettoyer, nous ne réglerons jamais le problème. C’est ainsi qu’est née l’idée de Loop. Pour nous, le problème n’est pas le plastique en soi, c’est le fait de ne l’utiliser qu’une fois. Et c’est ce que Loop va essayer de changer.»
Des biscuits Milka –que la marmotte ne place pas dans un contenant en PET lui-même emballé dans un film plastique lui-même entouré d'une boîte en carton. Mais que le consomateur ou la consommatrice place dans une boîte réutilisable, prévue à cet effet. | Loop
Le fonctionnement de Loop, qui sera d'abord disponible pour les habitantes et les habitants de New York et de Paris, est simple: vous commandez des produits sur la plateforme (des biscuits, de l’huile, du déodorant, de l’eau minérale, etc.). En partenariat avec UPS, Loop vous les livre, dans des emballages spécialement conçus par les marques pour être nettoyés, stérilisés puis réutilisés. Une fois consommé, le contenant ne va ni à la poubelle, ni au recyclage; vous le renvoyez à l’expéditeur ou on vient le chercher chez vous et une usine spécialisée s’occupe de le remettre en état puis en circulation.
De manière schématique, et en anglais, ça donne ça. | Loop
Et l'empreinte carbonne?
Il serait légitime de penser que cela fait beaucoup d’allers-retours –donc une empreinte carbone explosive–, pour une simple bouteille de détergent ou une boîte de dentifrice à mâcher (la forme même des produits a parfois été repensée pour coller au concept).
Certes. Mais Tom Szaky s'en défend en expliquant que cette empreinte écologique reste toujours plus faible que celle de la fabrication puis du transport d’un emballage à usage unique ou recyclable. Szaky avance un chiffre de 50 à 75% d’économies par rapport à une solution traditionnelle –des calculs indépendants et adaptés aux usages réels seront nécessaires pour juger ce processus après qu'il sera mis en œuvre à grande échelle.
Difficile de savoir si les marques joueront pleinement le jeu ou si elles ne s’engageront que mollement –pour verdir leur image à peu de frais–, dans un dispositif qui pourrait de toute façon ne concerner qu’une poignée de consommateurs et consommatrices averties. Il n'empêche que l'occasion qui leur est offerte de concevoir des emballages plus luxueux ou plus esthétiques –donc de se démarquer de leurs concurrents low-cost–, est peut-être pour elles une idée tout aussi attractive que celle de s’occuper de leur empreinte écologique.
Et savoir que Carrefour, Tesco, Procter & Gamble, Coca-Cola, Unilever, Mars Petcare, Danone, PepsiCo, Suez ou UPS font partie des multinationales qui ont annoncé leur participation au projet tend à prouver que Loop pourrait plus rapidement qu’on ne le pense, et pour le meilleur, chambouler la production, la distribution et la consommation de biens courants.