Microsoft s’apprête à faire d’importantes, de très importantes dépenses. En 2017, la société avait annoncé sa décision d'agrandir le campus de son siège social de Redmond, dans la banlieue de Seattle. Un projet à plusieurs milliards de dollars pour lequel seront construit 18 nouveaux bâtiments. Pour accompagner cette transformation, Microsoft a promis début 2019 de débourser 500 millions de dollars (environ 440 millions d'euros) pour appuyer la construction de logements à loyers abordables dans la région.
Ces informations ont comme un air de déjà-vu. Lorsque la société Amazon a annoncé en 2018 avoir trouvé les emplacements de son «HQ2», son deuxième quartier général, des activistes s'étaient inquiétés des conséquences sur le marché de l’immobilier des villes sélectionnées. Car si ces installations très convoitées par les municipalités créent des milliers d’emplois qualifiés, elles s’accompagnent également d’une gentrification en accéléré et, souvent, de graves difficultés pour les foyers aux revenus les plus modestes.
Crise du logement
Ce phénomène est particulièrement observable à Seattle et dans sa banlieue, où sévit une importante crise du logement, en partie imputable aux grandes entreprises qui y ont élu domicile dont Amazon, Microsoft ou Starbucks. Selon le Département du Logement et du Développement urbain des États-Unis, il y aurait plus de 12.000 sans abris à Seattle. Ce qui situe la ville, derrière New York et Los Angeles, à la troisième place dans le classement des villes américaines comptant le plus de SDF –alors que la «Cité émeraude» n’est que la quatorzième agglomération du pays en population. Et la situation empire: alors que le nombre de sans domicile est resté relativement stable au niveau national entre 2018 et 2017 (+0,3%), il a augmenté de 5,6% dans l’État de Washington.
Les problématiques sont semblables dans la Silicon Valley, où les entreprises se voient accusées de créer des milliers d’emplois sans se préoccuper d'une quelconque question de logement. Gavin Newsom, le gouverneur de Californie, a récemment déclaré à ce sujet que «les problèmes de logement sont exacerbés par le succès de ces entreprises» et qu’elles devraient donc, au minimum, contribuer autant que l’État à la lutte contre la crise.
De louables intentions mais
des problèmes structurels
Louable intention, Microsoft a donc décidé d’anticiper la critique. Ses 500 millions de dollars seront répartis en trois blocs. Deux cent vingt-cinq millions seront consacrés à des prêts à taux d’intérêts inférieurs au prix du marché pour la construction d’habitations destinées aux ménages gagnant entre 62.000 et 124.000 dollars par an. Deux cent cinquante millions seront injectés pour soutenir des prêts plus «classiques», réservés à la construction de logements destinés aux personnes gagnant 60% du salaire médian. Enfin, 25 millions seront directement donnés à des organisations d’aides aux pauvres et aux sans-abris.
Malgré ces dépenses, les grandes entreprises restent critiquées pour leur réticences à participer à des solutions plus structurelles à la crise du logement. En juin 2018, Amazon avait par exemple réussi à faire annuler une taxe sur les entreprises les plus riches de Seattle, dont les recettes étaient destinées aux sans-abris. Un peu plus tard, en septembre de la même année, James Bezos avait annoncé vouloir distribuer deux milliards de dollars à diverses œuvres caritatives en faveur des quartiers défavorisés. Une somme certes importante, mais une goutte d'eau ponctuelle pour l'homme le plus riche du monde.