Fermé pendant quatre mois et demi l'an dernier, le plus grand musée du monde, le fameux Metropolitan Museum of Art (MET) à New York, fonctionne depuis avec une capacité d'accueil très limitée.
La pandémie de Covid-19 a ainsi creusé un trou de 150 millions de dollars dans les comptes du musée, et la direction a annoncé en avril dernier le licenciement de quatre-vingt employés, ainsi que des réductions de salaires.
Cela ne suffit néanmoins pas à combler le déficit. Dans un dernier recours, le MET a donc entamé des discussions avec des maisons de vente aux enchères pour vendre certaines de ses œuvres d'art, informe le New York Times.
Le MET est loin d'être un cas isolé. Face à la crise sans précédent que traversent les musées, l'Association des directeurs des musées d'art, une organisation professionnelle qui guide les bonnes pratiques de ses membres, a assoupli sa réglementation sur la cession d'œuvres d'art, un procédé appelé «déclassement».
Jusqu'alors, les musées n'étaient autorisés à utiliser les fonds issus de ces ventes que pour de futurs achats d'œuvres d'art. Mais en avril 2020, l'association a annoncé que «le produit des œuvres déclassées pourrait servir à payer les dépenses liées à l'entretien direct des collections».
À l'automne dernier, le Brooklyn Museum a ainsi recueilli 31 millions de dollars (29 millions d'euros) en se séparant de douze tableaux de Lucas Cranach, Gustave Courbet ou Camille Corot. Peu après, le Baltimore Museum of Art a stoppé en catastrophe la vente aux enchères de trois prestigieux tableaux après de nombreuses protestations.
«Comme du crack pour le toxicomane»
Le sujet des déclassements est encore largement tabou dans le milieu culturel. En France, les œuvres d'art issues des 1.200 musées publics sont la propriété de l'État et sont donc inaliénables.
Un principe parfois critiqué: un rapport de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée recommandait notamment en 2015 la possibilité pour les musées de se départir de tableaux entassés dans leurs réserves.
Le musée du Louvre dispose ainsi de 250.000 objets non exposés, parfois mal entretenus, redondants, ou sans véritable valeur artistique. En 2020, une nouvelle entorse à ce principe d'inéliabilité a été votée avec la restitution au Bénin et au Sénégal de plusieurs oeuvres d'art.
Mais les puristes, eux, crient au scandale. Aux États-Unis, l'annonce du MET a fait l'effet d'un petite bombe. «Le risque est que le déclassement s'instille comme une habitude pour payer ses factures, s'inquiète Thomas Campbell, l'ancien directeur du MET aujourd'hui directeur du Fine Arts Museums de San Francisco. C'est comme le crack pour le toxicomane –un succès rapide, qui devient une dépendance.»
Le musée défend quant à lui sa stratégie et fait valoir qu'il a augmenté ses fonds consacrés aux expositions et acquisitions, notamment «des œuvres d'artistes de couleur des XXe et XXIe siècles».
Dépenses qui ne se font pas au détriment des collections historiques, a assuré Max Hollein, le directeur du MET. Ce dernier reconnait toutefois que son exemple risque de faire tâche d'huile auprès des autres musées.