En 1996, les premiers lecteurs de DVD se vendent au Japon. Nouveauté intrigante et technologie prometteuse, les «disques numériques polyvalents» débarquent aux États-Unis au cours de l'année suivante. Avec un certain succès: selon les chiffres du site Sound & Vision, un million de DVD se vendent chez l'Oncle Sam en une année, alors que seulement 530 titres sont disponibles sur le marché.
Il n'en faut pas plus pour Marc Randolph et Reed Hastings, qui flairent le bon filon en comprenant l'un des avantages du format. Petit, celui-ci peut être envoyé par la Poste et les deux hommes pensent à monter un service de location de films directement envoyés à la maison. En août 1997, ils fondent une société désormais universellement célèbre: Netflix.
En avril de l'année suivante, Netflix fait son ouverture au grand public. Mais le principe du DVD est encore très jeune et sa clientèle peu développée.
Netflix a besoin de quelque chose –un coup de pub ou de génie, une manière d'imprimer son concept de location postale dans l'esprit des gens. Bizarrement, c'est la procédure de destitution de Bill Clinton qui offrira ce boost à l'entreprise californienne.
En janvier 1998, la presse américaine révèle les relations sexuelles entretenues par le président avec Monica Lewinsky, une jeune femme d'une vingtaine d'années. C'est le début du Monicagate, qui va ébranler dans ses fondements la puritaine Amérique.
En août, Bill Clinton est forcé de témoigner devant un grand jury américain, face caméra. Une première retentissante –aucun autre président n'a depuis été forcé à cet exercice– mais les images en question sont peu diffusées. Seul le texte est accessible à l'ensemble du peuple américain –toujours accessible sur le site du Washington Post.
L'histoire pour 20 cents
C'est là qu'intervient Netflix. Pour seulement 20 cents plus les frais de port, le service de livraison rend accessible ce témoignage historique, qui fascine les Américain·es, à l'ensemble des propriétaires de lecteurs de DVD.
Comme l'explique Marc Randolph dans son dernier ouvrage sur l'entreprise, ce joli coup est permis par un mélange de chance et de connaissances dans le milieu. Randolph a, dans son carnet d'adresse, le nom du patron d'une entreprise appelée Mindset, qui se dit capable de transférer, presque en temps réel, un film en DVD –idéal pour le témoignage de Clinton, rendu public par le House Judiciary Committee.
Le succès fut au rendez-vous. Ce pari de Netflix sur un scandale politique lui rapporte une couverture médiatique nationale. The New York Times, The Wall Street Journal, The Washington Post, Variety: tout le monde parle de la petite boîte californienne qui permet de voir le témoignage de Clinton pour 20 cents.
Netflix a produit 10.000 DVD de la vidéo, encourageant 5.000 nouvelles personnes à souscrire au service. Le tout lui a coûté moins de 5.000 dollars. Le succès pouvait naître –on en connaît la suite.