C'est une immense catastrophe qui n'a pas fait les gros titres. Le 24 avril, dans la matinée, un incendie dans une raffinerie illégale de l'État de Rivers, au sud du pays, a atteint les réservoirs de pétrole et provoqué une explosion qui aurait tué plus de cent personnes.
Si ce drame est remarquable par son nombre élevé de victimes, il n'est pas isolé. Quelques mois auparavant, en novembre 2021, vingt-cinq personnes avaient perdu la vie, y compris des mineurs, lors d'une explosion similaire dans une autre raffinerie de Rivers.
Le Nigeria est le plus grand exportateur africain de pétrole. Les sous-sols du delta du Niger sont riches en hydrocarbures et génèrent une économie de près de 400 milliards de dollars (377 milliards d'euros). Seulement, chaque année, près de 10% de la production du pays, soit 200.000 barils par jour, disparaissent aux mains des raffineries illégales.
Des organisations criminelles vandalisent les pipelines des compagnies pétrolières légales (Shell notamment) et récupèrent leur pétrole afin de le raffiner elles-mêmes sur des sites clandestins, souvent cachés dans la forêt. Ce procédé est évidemment extrêmement polluant pour les sols.
Pollution et pauvreté
Une fois le pétrole subtilisé, il est raffiné par un procédé artisanal extrêmement dangereux: le liquide est placé dans de grands réservoirs et bouilli à haute température. L'essence extraite est hautement inflammable et, comme l'a montré le drame du 24 avril, le moindre problème peut coûter la vie à tous les travailleurs présents.
Comme souvent en Afrique, les richissimes sous-sols sont exploités par des entreprises internationales et des milliardaires locaux, et la manne financière de ces richesses est très peu redistribuée à la population du pays. À cause de cela, la pauvreté et l'hostilité envers les grandes compagnies pétrolières poussent les habitants dans ces raffineries où ils risquent leur vie.
En janvier, le gouvernement du Nigeria a démarré une campagne contre la raffinerie illégale. En février, il affirmait avoir détruit 128 des 142 sites clandestins identifiés par ses services. Le drame du mois d'avril montre qu'il n'est pas au bout de ses peines.
Ces explosions ne sont que la partie la plus visible des conséquences dramatiques de l'exploitation du pétrole nigérian. Eau, sol, atmosphère: toute la région est dévastée par l'économie pétrolière, aussi bien légale que clandestine. Cela fait du delta du Niger l'un des sites les plus pollués de la planète, avec des conséquences dramatiques pour la pêche, l'agriculture et la santé des communautés qui y résident.