Qu'est-ce qui est gris argenté, ductile, résistant aux très hautes températures comme à la corrosion et un excellent conducteur d'électricité?
Réponse: le niobium, un métal rare utilisé dans l'industrie automobile, aéronautique et pétrochimique, dans les réacteurs nucléaires, les aimants supra-magnétiques, les éoliennes ou les moteurs d'avion.
Mélangé à l'acier, le niobium rend notamment les structures plus légères et plus résistantes aux contraintes mécaniques. «C'est un peu comme la pincée de sel que vous ajoutez à la cuisson», explique à Rest of World Adalberto Parreira, le directeur de la Société brésilienne de métallurgie et d'exploitation minière (CBMM).
Ce groupe brésilien est le champion mondial incontesté du niobium. Le Brésil détient 85% des réserves mondiales connues et 75% sont exploitées par la seule CBMM.
«Niobium Valley»
Un atout inestimable pour le Brésil, comme l'avait affirmé le futur président Jair Bolsonaro en 2016 dans une vidéo devenue virale. «Tout le monde a entendu parler de la Silicon Valley, affirmait-il alors dans celle-ci. Je rêve qu'un jour nous ayons une Niobium Valley.»
Il soulignait alors que le niobium pourrait être à terme «plus important que le pétrole». L'exemple parfait pour coller à la rhétorique nationaliste du candidat.
Il y a pourtant un os dans cette suprématie brésilienne. En 2011, la CBMM a ouvert discrètement son capital à des aciéries chinoises, particulièrement avides de niobium, ressource stratégique pour le développement industriel du géant asiatique.
En 2018, la CBMM a exporté plus de 84.000 tonnes de niobium, dont 30.000 vers la Chine, rapporte le site Diálogo Chino. En 2016, l'entreprise chinoise China Molybdenum Corporation (CMOC) est allée encore plus loin en faisant directement l'acquisition de deux mines brésiliennes représentant 10% de la production mondiale de niobium.
De quoi rendre furieux Jair Bolsonaro, qui lors de sa campagne en 2018 avait accusé Pékin de vouloir «acheter le Brésil». Pourtant, malgré les rodomontades de Bolsonaro, la mainmise de la Chine sur le niobium se poursuit tranquillement.
En octobre, le gouverneur de l'État du Minas Gerais (où se concentre la majeure partie du niobium) a annoncé son intention de privatiser la Codemig, l'entreprise d'État qui exploite le métal précieux, afin d'alléger la dette publique.
Un sacrilège pour Bolsonaro, qui promeut au contraire la vente de la Codemig à la CBMM, déjà ultra-majoritaire dans la production. Le président a également proposé un nouveau plan pour ouvrir des mines en plein cœur de l'Amazonie, s'attirant les foudres des écologistes.
Le niobium est-il ce fameux matériau miracle qui fera la fortune du Brésil, ou juste un outil marketing au service du discours nationaliste et anti-environnementaliste de Bolsonaro? Entre réalité du business et protectionnisme populaire, les politiciens brésiliens balancent.