Les start-ups, c’est pas automatique. | Alex Kotliarskyi via Unsplash 
Les start-ups, c’est pas automatique. | Alex Kotliarskyi via Unsplash 

Les start-ups, condamnées à grossir au point d'en mourir

Le mode de financement des start-ups les force à se transformer en ogres, au risque de s'effondrer sous le poids de leur appétit de croissance.

Patreon, le site qui permet aux créateurs et créatrices sur internet de se faire financer par leur public connaît une popularité croissante. Dans un post de blog fin janvier, l’entreprise se félicite d’avoir franchi deux étapes. Il y a désormais trois millions de «patronnes» et de «patrons» sur la plateforme, qui devraient dépenser 500 millions de dollars (environ 440 millions d'euros) cette année, dépassant ainsi le milliard reversé par la plateforme depuis la création.

Sur les dons des mécènes, les artistes reçoivent 90%, Patreon récupère 10% dont la moitié sert à payer les frais de transaction. La plateforme devrait donc percevoir un revenu d’environ 25 millions de dollars en 2019.

Pourtant, dans une interview à CNBC, le PDG de Patreon Jack Conte affirme que son entreprise va bientôt devoir se diversifier afin «de construire un business durable».

Si cette déclaration peut sembler étrange, il faut garder à l’esprit que Patreon est une start-up comme une autre: c’est un pur produit de la culture Silicon Valley, avec le mode de financement qui va avec.

Toujours plus haut, toujours plus fort

Là où une entreprise lambda, une boulangerie par exemple, ferait un emprunt à la banque pour se lancer, une start-up se dope au capital-risque. Elle développe un projet avec un fort potentiel de croissance et essaye de trouver un ou plusieurs fonds d’investissement prêts à parier sur son projet. À la clé, un financement bien plus important que s'il s’agissait d’un prêt normal.

Ce modèle permet de rassembler d'importantes sommes d’argent en très peu de temps. L’avantage est que si le succès est au rendez-vous, la start-up peut soutenir une croissance très rapide. Une société de trottinettes en libre-service peut par exemple rapidement bâtir une flotte de véhicules et la déployer dans le monde entier, avant que son modèle économique ne soit parfaitement stable et éprouvé.

Ainsi, en août 2013, trois mois après sa création, Patreon levait 2,1 millions de dollars, suivis par 15 millions en 2014, 30 millions en 2016 et finalement 60 millions en 2017. En échange de ces levées de fonds, les investisseurs demandent non seulement à être remboursés mais également une croissance toujours plus importante.

Une start-up, pour quoi faire?

Les 5% perçus sur l’argent donné via la plateforme représentent une coquette somme. Mais pour satisfaire ses investisseurs, Patreon doit encore et toujours continuer de grossir.

À ce niveau, il convient donc de se poser à nouveau la question: la start-up est vantée comme le modèle idéal d’entrepreneuriat, mais quels sont réellement ses avantages? Est-ce le modèle unique du succès, ce que contesterait sans doute les créateurs de Klaxoon, qui a su construire sa gloire sur la durée? Qui ces levées de fonds incessantes servent-elles? La clientèle, les entreprises, ou bien les fonds d’investissement eux-mêmes, qui veulent augmenter leur capital?

Comme le fait remarquer Dan Olson sur twitter, les coûts de l'activité de Patreon ne sont pas faramineux. Si l'entreprise s'était contentée de contracter un prêt classique, peut-être aurait-il déjà été remboursé et Patreon génèrerait un profit confortable, s'offrant le luxe d'une croissance au rythme normal ne l'obligeant pas à se transformer en ogre.

Car, dans le pire des scénarios, afin de satisfaire les exigences d'hypercroissance des investisseurs, Patreon sera peut-être forcé d’augmenter sa marge sur chaque don, de proposer des comptes premium, des services supplémentaires que personne n’a demandés, etc. La firme pourrait alors faire fuir les utilisateurs et les utilisatrices séduites par le modèle de base –et s'écrouler sous son propre poids.

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