C'est un discours surprenant de la part du PDG de l'une des plus grosses entreprises du monde. Lors d'un sommet organisé par Forbes, Satya Nadella, patron de Microsoft a ainsi affirmé qu'«il est juste, en 2020 et au milieu d'une pandémie, d'organiser un référendum sur le capitalisme».
Nadella rejoint ici l'idée que la valeur d'une entreprise ne doit pas se calculer seulement grâce aux dividendes qu'elle reverse à ses actionnaires, mais aussi à son rôle social: les emplois créés, son impact sur les sociétés dans lesquelles elle opère, ses conséquences sur l'environnement, etc.
Cette volonté d'humaniser les économies modernes a récemment gagné en popularité dans les hauts lieux du capitalisme. L'an dernier, la Business Roundtable, un puissant lobby libéral qui rassemble les PDG des plus grandes entreprises du monde, avait affirmé qu'«aider les communautés dans lesquelles elles travaillent» et «investir dans leurs employés» faisaient désormais partie de ses objectifs.
Autocritique ou perlimpinpin?
Autre grand-messe capitaliste, le forum économique mondial de Davos s'est réuni en 2020 sous le signe de l'autocritique. Certain·es participant·es avaient alors sonné le glas du capitalisme actionnarial, pour lequel l'unique responsabilité sociale d'une entreprise est d'accroître ses profits et ses dividendes.
Esquinté par la crise de 2008, le capitalisme est moins populaire qu'il y a dix ans, alors que les mouvements écologistes suivent une tendance inverse. La mue idéologique d'une partie de l'élite capitaliste mondiale ressemble donc à un réflexe de survie, ou à des vœux pieux dont il reste à voir s'ils seront suivis de quelconques effets.
En septembre, une étude a ainsi pointé le fait que les bonnes résolutions des grandes entreprises n'ont pas tenu longtemps pendant la pandémie: les profits ont continué à être prioritaires sur les conditions de travail de la masse salariale et sur la sauvegarde des emplois.
Nadella n'a cure de ces observations: il a profité de la lumière qui lui était offerte pour rappeler la promesse forte de Microsoft de présenter un bilan carbone négatif en 2030, ainsi que celle de LinkedIn, qui fait partie du giron de la firme de Seattle, de mettre en place des mesures contre les discriminations raciales. Rendez-vous donc en 2030 pour savoir si tout cela n'était que du marketing.