Depuis plusieurs mois, l'industrie souffre d'une pénurie de puces affectant le secteur automobile, mais aussi les fabricants de smartphones et même de micro-ondes.
Selon la banque Goldman Sachs, pas moins de 169 secteurs seraient touchés. Les causes de cette pénurie sont bien connues: hausse de la demande due à la pandémie, guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, sans compter les événements conjoncturels comme la sécheresse à Taïwan et l'incendie d'une usine au Japon en octobre 2020.
Il n'y a pourtant pas spécialement un problème d'offre. Les ventes mondiales de puces n'ont même jamais été aussi élevées: selon la Semiconductor Industry Association (SIA), elles ont atteint 123,1 milliards de dollars (101 milliards d'euros) au cours du premier trimestre 2021, soit une hausse de 17,8% par rapport à la même période en 2020.
La mécanique derrière cette pénurie, que l'on voit aussi à l'œuvre avec l'essence, le papier toilette ou les vélos, est un phénomène bien connu des économistes, appelé «effet bullwhip» ou «effet coup de fouet».
Il s'apparente un peu à l'effet papillon, qui stipule qu'un léger mouvement initial suffit à provoquer des conséquences mondiales. Tout démarre avec une hausse, même légère, de la demande pour un produit.
En réaction à cette hausse, le détaillant augmente ses stocks auprès de son grossiste, qui lui-même va commander plus au fabricant. En gros, chaque maillon de la chaîne accroît un peu plus ses stocks par crainte d'une pénurie, ce qui conduit au blocage du système.
Coup de fouet
La formule «effet bullwhip» a été inventée en 1997 par un professeur de Stanford, Hau Lee, rappelle le site Quartz. Le nom provient de l'analogie avec le fouet du cow-boy: lorsque la main se déplace de quelques centimètres, l'ondulation se propage sur toute la longueur du fouet jusqu'à ce que ce dernier claque dans l'air.
Hau Lee avait observé pour la première fois cet effet avec les couches pour bébé, où une faible hausse de la demande pouvait entraîner une pénurie générale.
Bien que chacun ait conscience d'aggraver lui-même la crise par son comportement, l'effet bullwhip n'est pas facile à éviter, reconnaît Willy Shih, professeur à la Harvard Business School.
«Si vous êtes HP, Dell ou Lenovo, vous voulez vous assurer d'avoir suffisamment de puces à portée de main pour ne pas laisser vos concurrents gagner des parts de marché parce qu'ils ont un meilleur approvisionnement», explique-t-il.
De leur côté, les fabricants tentent de faire un arbitrage entre tous leurs clients, mais refuser une commande pour empêcher une thésaurisation excessive n'est pas aisé.
La pénurie de puces risque en tous cas de durer encore un petit moment. Selon la plupart des analystes, elle ne devrait pas se résorber avant six à douze mois, le temps que la demande se stabilise et que chacun retrouve un niveau de stock normal.
Pendant ce temps, l'Europe, la Chine et les États-Unis veulent construire leurs propres usines de semi-conducteurs, ce qui n'est pas forcément la bonne réponse à une crise conjoncturelle, met en garde Willy Shih.
Car lorsque ces usines entreront toutes en même temps en activité, la demande pourrait bien s'être tassée et les prix s'effondrer.