L'inflation est souvent redoutée des ménages. Sans parler des situations catastrophiques comme au Venezuela où un billet de banque imprimé la veille ne vaut pratiquement plus rien le lendemain, les gens répugnent à voir le prix de leur baguette augmenter de quelques centimes. Une inflation modérée a pourtant aussi du bon du point de vue macroéconomique.
Elle annule (partiellement) la dette des États, elle incite les ménages à dépenser leurs liquidités plutôt qu'à thésauriser et favorise ainsi la relance de l'économie. C'est pourquoi les banques centrales se fixent généralement un objectif autour de 2% d'inflation, et non pas de zéro.
Selon une nouvelle étude de quatre économistes chevronnés du Chicago Booth, de l'Université Northwestern, de Harvard et du MIT, une politique monétaire expansionniste, et donc une hausse temporaire de l'inflation, serait même bénéfique à la transition écologique et à la relance post-Covid.
La démonstration est assez simple, explique Les Echos qui relaye cette étude: la pandémie a touché très différemment les entreprises selon leur secteur d'activité. Les entreprises industrielles, par exemple, s'en sont plutôt bien sorties, tandis que les secteurs de la culture et du tourisme n'ont toujours pas retrouvé leur niveau d'avant-crise. Et alors que le gouvernement persiste à aider ces secteurs en difficulté, il apparaît clairement que certains ne vont sans doute jamais se relever.
En novembre 2020, Bill Gates estimait ainsi que 50% des voyages d'affaires disparaîtraient dans le monde post-Covid. De la même façon, les fabricants de moteurs thermiques vont sérieusement souffrir de la transition vers les voitures électriques.
Conséquence: beaucoup d'emplois vont être détruits dans ces secteurs, tandis que d'autres seront créés dans les secteurs où la demande est en expansion, comme les services internet, la livraison ou encore les énergies vertes. Pour réajuster le marché de l'emploi et attirer les employés dans les secteurs d'avenir, il faudrait en théorie que les salaires augmentent dans ces derniers et diminuent dans les secteurs voués à disparaître.
Destruction créatrice
Or, il est quasi impossible de pratiquer des baisses de salaires pour des raisons administratives, politique et sociales. Lorsqu'il y a une légère inflation, cela permet de modérer les salaires sans les baisser et d'augmenter plus fortement les salaires dans les secteurs dynamiques, font valoir les quatre économistes.
Cette étude encourage donc implicitement la politique actuelle des banques centrales consistant à arroser les marchés de liquidités. Il existe toutefois une théorie opposée, selon laquelle la relance monétaire empêche au contraire la réallocation des actifs: en stimulant le demande dans des secteurs non viables, elle ralentit le processus de «destruction créatrice».
L'autre problème est qu'on ne transforme pas si simplement un job de mécanicien automobile en développeur informatique ou en garde pour personne âgée. Cela explique d'ailleurs en partie pourquoi, dans un pays comme la France, on a à la fois un taux de chômage élevé et une pénurie chronique de main-d'œuvre.