L'industrie de la production de pétrole est souvent cyclique. Lorsque les prix sont hauts, les producteurs pompent un maximum afin de profiter de la hausse, jusqu'à ce que l'excédent de production fasse plonger le marché.
Généralement, après une telle séquence, les compagnies pétrolières se tournent vers les plans sociaux et fusions-acquisitions pour tenir le choc. Seulement, il arrive que pour mettre la concurrence hors circuit, les producteurs tentent de secouer le marché en leur faveur en accentuant une tendance insoutenable pour leurs concurrents.
C'est ce qu'il s'est passé entre la Russie et l'Arabie saoudite en 2020, lorsque le prix du baril est momentanément devenu négatif, aucun des deux pays n'acceptant de réduire sa production malgré un cours très bas.
Traumatisme 2020
Avec des variations selon les pays et leurs politiques fiscales respectives, ce phénomène s'est répercuté de manière sensible en bout de chaîne, à la pompe. En France, les prix ont ainsi beaucoup baissé lors des premiers mois de la pandémie du fait de cette guerre commerciale et de la baisse globale de la demande.
Néanmoins, comme tout un chacun peut le constater en faisant son plein, le taux de vaccination qui progresse, l'économie en train de repartir et la volonté générale de recommencer à voyager ont finalemet fait remonter les prix. Ils sont même repassés au-dessus des tarifs moyens de la même période en 2020.
Ces prix devraient donc d'ordinaire être accompagnés d'une hausse de la production, donc d'un nouveau rééquilibrage en faveur du consommateur. Mais cette fois, les compagnies pétrolières et pays producteurs, traumatisés par la crise de 2020, souhaitent modifier le cycle habituel des choses, explique le New York Times.
«La pire chose qui pourrait arriver maintenant est que les producteurs américains recommencent à produire rapidement», a estimé le président de ConocoPhillips lors de la CERAWeek, la conférence annuelle des producteurs d'énergie. Une idée partagée par la majorité des firmes américaines.
L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et la Russie ont elles aussi convenu, lors d'une réunion le 4 mars, de ne pas muscler leur production afin que les prix restent orientés à la hausse. L'Arabie saoudite s'inquiète en effet d'un éventuel excédent d'optimisme quant à la fin prochaine de la pandémie.
René Ortiz, ex-secrétaire général de l'OPEP et ministre de l'Énergie équatorien, précise également que ces cours en hausse constituent du pain béni pour les nations éreintées par le Covid, qui souhaitent en profiter pour équilibrer leur budget. Le prix du plein d'essence ne devrait donc pas redescendre de sitôt.
Toutefois, cet équilibre peut basculer facilement. Certains pays veulent pomper le plus possible avant que les inquiétudes climatiques ne fassent baisser la consommation durablement. Une relaxe entre l'Iran et les États-Unis pourrait aussi permettre au premier d'inonder les marchés de ses très larges réserves, ce qui ferait immanquablement baisser les cours mondiaux de l'or noir.