Lancé en avril 2020, le programme Covax est une plateforme de coopération internationale chaperonné par GAVI, l'alliance mondiale pour la vaccination, censé s'assurer que les pays pauvres puissent recevoir suffisamment de vaccins anti-Covid.
Le programme avait pour ambition de distribuer 2 milliards de doses d'ici fin 2021. À peine 330 millions ont été envoyées à ce jour, dont 40% n'ont pas été administrées. Une longue enquête du Bureau d'investigation de journalisme relayée par le site Quartz révèle les failles béantes et les dysfonctionnements de ce programme supervisé par l'OMS.
Nombre de pays ont reçu les doses avec plusieurs mois de retard, désorganisant complètement les campagnes de vaccination et retardant les injections des secondes doses. Des vaccins très proches des dates limite ont aussi été expédiés, et n'ont pas pu être distribués à temps.
En Somalie, un responsable de la santé explique que Covax fournissait des doses de vaccin, mais pas des seringues pour les administrer. Le pays a dû utiliser des stocks de seringues réservées aux campagnes de vaccination contre la rougeole.
Coups bas et désorganisation
«L'alliance Covax était mal partie dès le départ», fustige Kate Elder, conseillère principale en matière de politique vaccinale chez MSF. En février, lorsque démarre les envois de vaccins, la quasi-totalité des doses provient d'une seule et même usine indienne, qui fabrique le vaccin AstraZeneca.
Au mois de mars, la pandémie frappe l'Inde de plein fouet, stoppant net les expéditions de l'Inde qui se recentre sur la vaccination de sa propre population. Une note de l'Unicef avait pourtant alerté des risques pour le projet de dépendre d'un nombre réduit de fournisseurs.
Deuxième grief: la faible implication des pays développés. Au mois de mai, Donald Trump lance son opération Warp Speed pour vacciner les Américains, enjambant sans remords sa participation à l'alliance Covax. Pire, certains pays comme le Royaume-Uni et le Canada ont puisé dans le stock de doses destinées à Covax afin de vacciner leur propre population.
Après la pénurie, se profile désormais un afflux massif de doses qui risque de causer de nouveaux problèmes. Covax projette de distribuer 1,1 milliard de doses dans les trois prochains mois, ce qui fait redouter une saturation du système de santé.
Alors qu'il n'a jamais atteint ses objectifs, le programme pourrait déjà être en train de mourir, conclut Quartz. En juin, un rapport au conseil d'administration de GAVI montrait que «de nombreux» pays avaient décidé de se passer du système Covax en 2022. En août, l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) a annoncé qu'elle commencerait elle-même à acheter des doses.