Lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février, l'une des premières réactions des pays occidentaux a été d'imposer à la Russie de lourdes sanctions, et de réduire au maximum les importations d'hydrocarbures provenant du pays agresseur. Seulement, la tâche est herculéenne, surtout en ce qui concerne le gaz naturel: l'UE importe 90% du gaz qu'elle consomme, et 45% de ces imports proviennent de Russie.
Après plus de trois mois de guerre, le gaz russe continue d'affluer en Europe, et sa vente de remplir les caisses de Vladimir Poutine. Or, pour faire le voyage, un tiers de ce gaz transite par l'Ukraine.
Malgré une longue histoire de relations conflictuelles avec Gazprom et la récente invasion, l'entreprise énergétique d'État ukrainienne Naftogaz maintient une fragile trêve commerciale avec la Russie, afin que ce secteur capital pour les deux pays puisse garder la tête hors de l'eau.
Pour l'Ukraine, Naftogaz n'est pas une entreprise importante: c'est une entreprise vitale. En 2021, détaille le Wall Street Journal, 11% du budget du pays provenait de Naftogaz. L'an dernier, la Russie a ainsi payé 1,14 milliard d'euros de frais de transport à l'Ukraine afin de faire transiter 42 milliards de mètres cubes de gaz vers l'Europe.
Cruelle dépendance
Cette codépendance a donc, depuis le début de la guerre, créé une situation ubuesque. La Russie utilise l'argent du gaz pour financer son invasion, et l'Ukraine se sert des frais payés par la Russie sur le transport de ce même gaz afin de financer sa défense.
Et ce, alors que vingt-cinq employés de Naftogaz sont morts lors des combats, et que la direction de l'entreprise travaille depuis un parking souterrain afin de se protéger des bombardements.
Cette situation déjà précaire est sur le point de s'effondrer. À l'Ouest, l'Union européenne souhaite se passer de carburant russe d'ici à 2027. À l'Est, Naftogaz accuse Gazprom de ne pas payer l'entièreté de ses factures et la Russie d'avoir pris le contrôle de l'une de ses stations de compression dans le Donbass.
Le PDG de Naftogaz, Yuriy Vitrenko, essaye donc tant bien que mal de préparer le futur de l'entreprise d'État afin d'éviter la catastrophe. Alors que la guerre a déjà réduit de 3 à 6% la production de gaz ukrainien, l'entreprise va devoir rapidement redresser la barre: tout comme l'Europe, le pays est encore dépendant de l'énergie fournie par son envahisseur.