C'est à un troublant spectacle qu'ont pu assister traders et curieux hier: le cours d'une matière première passant sous le seuil de 0 dollar. À la clôture du marché, le prix du baril de pétrole WTI affichait un très étonnant -37,63 dollars [-34,72 euros].
Avec la mise à l'arrêt de l'industrie mondiale –ainsi que des automobilistes, semi-remorques ou avions qui la font tourner–, la demande en or noir est à l'arrêt. Les producteurs américains tentent depuis quelques semaines de trouver des solutions de stockage aux surplus non vendus, les capacités naturelles du marché étant saturées.
Si tout le marché du brut s'effondre depuis le début des crises sanitaire et économique, c'est le baril du crude produit aux États-Unis, le West Texas Intermediate, qui a vu son prix devenir négatif.
Ces dernières années, le pays est devenu le plus grand producteur d'hydrocarbures au monde grâce à de lourds investissements, notamment dans la fracturation hydrolique. Des sommes englouties dans un secteur qui, avant même cette crise, était déjà loin de la rentabilité –voire proche de l'effondrement, sous le poids de dettes qu'un baril trop bon marché ne permettait pas de rembourser.
Sombres perspectives
Le marché concerné par ce prix négatif –une première pour lui– est un marché particulier, celui des contrats à terme. Ce n'est pas l'ensemble du pétrole américain ou mondial qui s'est subitement retrouvé à -40 dollars le baril, mais celui concerné par les contrats d'avril, qui arrivaient à échéance le mardi 21.
Schématiquement, les acheteurs qui auraient dû avoir des besoins réels (les raffineries ou les compagnies aériennes, par exemple) n'en avaient plus. Dans un marché désormais très largement financiarisé, investisseurs et spéculateurs se sont retrouvés avec des océans de pétrole brut sur les bras, qu'il leur a fallu vendre avant expiration du terme.
S'ils résistent, les contrats pour mai et juin souffrent eux aussi, signe que la confiance en un retour de la demande est loin d'être solide. Le 20 avril, le contrat pour mai a chuté de 18% pour s'établir à 20,43 dollars le baril, quand celui pour juin perdait près de 11%, à 26,18 dollars le baril.
Ce qu'il adviendra lorsque ces contrats arriveront à leur tour à échéance dépendra de divers facteurs, au premier rang desquels la demande mondiale, qui pourrait reprendre si les industries rouvrent rapidement –mais qui pourrait rester basse si le monde s'enfonce dans la récession.
L'offre a également un rôle à jouer. Comme une armistice à la guerre des prix entre l'Arabie Saoudite et la Russie, l'accord trouvé entre les membres de l'OPEP+, dont Donald Trump n'a cessé de se vanter, aurait dû dynamiser les marchés et tirer les prix vers le haut.
La coupure du robinet, à hauteur de 9,7 millions de barils en moins par jour, n'a semble-t-il pas été suffisante pour limiter la casse –ce dont la Russie et l'Arabie Saoudite, peut-être en passe de se délester de ce concurrent américain devenu trop gênant, se réjouissent sans doute.