Passionnante et n'étant pas sans rappeler l'excellent À l'origine de Xavier Giannoli, l'histoire est racontée dans un long article de Bloomberg.
Elle est celle de Quintillion, une entreprise alaskienne dont la patronne, Elizabeth Pierce, promettait de connecter les régions les plus reculées de son État au haut débit, ainsi que de poser un câble sous-marin sous l'océan Arctique, profitant de l'ouverture du passage du Nord-Ouest et alimentant le Japon, Londres, l'Islande ou le Groenland.
Des monts et merveilles et une noble cause, qui nécessitaient l'usage de quatorze bateaux spécialisés et de centaines d'autorisations gouvernementales ou d'accords avec les tribus indignènes.
Mais ce rêve a reposé sur de gros mensonges. Pour attirer les investisseurs et les convaincre de miser sur son infrastructure, Pierce devait leur prouver que son projet était viable et que des contrats étaient déjà signés.
Or, la plupart des contrats qu'elle leur a présentés étaient des faux, parfois modifiés en profondeur pour servir la légende qu'elle souhaitait présenter, parfois carrément signés de sa propre main. La technique a été répétée huit fois, avec des fausses promesses dépassant le milliard de dollars, soit 905 millions d'euros.
Au culot, jusqu'à la chute
De nombreuses sociétés importantes, y compris françaises comme Natixis ou Alcatel Submarine Networks, sont tombées dans le panneau. Mais en 2017 est arrivé le moment où les comptables de Quintillion ont dû envoyer de premières factures à certains de ces vrais-faux partenaires. Mensonges et excuses n'ont pu que repousser le moment fatidique où la supercherie allait être découverte, ce qui fut le cas plusieurs mois plus tard.
Comme le rapporte Bloomberg, le passé de l'Américaine n'est pourtant pas vierge. À la tête de Quintillion, elle a été remplacée par George Tronsrue, qui s'est d'abord chargé des urgences –un navire coincé dans les fonds marins– et a tenté de sauver ce qui pouvait l'être. Et ce n'est pas rien: malgré la duperie, Elizabeth Pierce laisse derrière elle quelques progrès positifs.
Nul ne sait si le projet de câble transcontinental réussira à voir le jour –il nécessiterait 800 millions de dollars d'investissements supplémentaires. Mais le fait que d'autres firmes imaginent elles aussi tirer leur fibre dans les profondeurs du passage du Nord-Ouest indique que l'idée initiale de l'entrepreneuse était la bonne.
Le plan de connecter l'Alaska au haut débit a en revanche été partiellement réalisé. 10.000 personnes et des hôpitaux, écoles ou entreprises disposent désormais de connexions modernes, quand elles ne pouvaient jusqu'alors compter que sur l'internet souffreteux des vieux modems filaires.