Chaque année l’ONG britannique CDP, anciennement Carbon Disclosure Project, évalue des entreprises du monde entier et leur donne des notes allant de A à D, attribuée selon leurs efforts pour minimiser leur impact écologique.
Pour se faire, les sociétés répondent à un questionnaire qui les appelle à détailler leurs actions pour lutter contre le réchauffement climatique –mais également les conséquences que ce phénomène aura sur leur business.
Bank of America redoute par exemple l’effet de la montée des eaux, car 4% de ses prêts immobiliers garantis se trouvent en zone inondable. La firme Coca-Cola s’inquiète quant à elle du fait que l’amenuisement des ressources en eau potable pourrait l’empêcher de maintenir sa production. Mais pour toutes ces grandes firmes, le réchauffement de la planète ne représente pas qu'une menace: il est aussi une opportunité.
Réchauffement des porte-monnaie
Une autre question figurant sur les questionnaires (tous disponibles sur le site de CPD): «Avez-vous identifié des opportunités liées au réchauffement climatique et ayant le potentiel d’avoir un impact financier ou stratégique substantiel sur votre activité?». Autrement dit, avez-vous pensé à la manière dont le dérèglement climatique pourra vous faire gagner de l’argent?
La grande majorité des entreprises interrogées ont déjà réfléchi à cette question et les pistes de monétisation ne manquent pas. Pour la plupart, le réchauffement de la planète implique de pivoter vers des solutions de production moins gourmandes en énergie et ressources ou vers une offre de produits et services plus écologiques. Toutefois, certaines ont des préoccupations plus terre-à-terre.
Home Depot par exemple, géant de l’électroménager et de l'équipement domestique, estime que l’augmentation des températures lui permettra de vendre plus de climatiseurs et de ventilateurs. Alphabet, la société mère de Google espère que son outil de visualisation géographique, Google Earth, sera très utilisé pour étudier les modifications terrestres, car cela «pourrait résulter en une augmentation de la loyauté de nos clients et de la valeur de notre marque».
French Touch
Les entreprises françaises ne sont pas en reste. Vinci, par exemple, sait que les autorités publiques auront besoin d’aide pour protéger leurs infrastructures des potentielles catastrophes naturelles. Ce qui promet de jolis contrats en perspective.
Eiffage, autre mastodonte français du BTP, se félicite de ses préfabriqués adaptés aux pics de températures et aux pluies violentes, qui auront un succès certain quand le monde subira de plein fouet une hausse de plusieurs degrés.
Plus inattendu, Bouygues espère que le réchauffement aura un effet positif sur ses propriétés télévisuelles. Son raisonnement s'appuie sur le succès des reportages journalistiques et émissions de TF1 («Ushuaïa» est directement citée): parce que ces programmes traitent souvent d’écologie, la chaîne sera bien placée pour diffuser des publicités relatives aux «solutions» envisagées pour faire face au dérèglement climatique.
Think different
Toutefois, la palme de l'honnêteté –ou du cynisme, tout dépend du point de vue– revient à Apple, qui présente l’iPhone comme le compagnon parfait pour la crise climatique à venir. «Avec la plus grande fréquence des événements météorologiques violents, les consommateurs pourraient accorder une plus grande valeur à la disponibilité immédiate et universelle d'outils mobiles utilisables dans des situations où le transport, le courant ou d'autres services pourraient être temporairement interrompus», écrit la firme de Cupertino, mentionnant également «l’accroissement des besoins de confiance et de préparation dans le domaine de la sécurité personnelle et du bien-être de ses proches». Or, les téléphones portables peuvent servir de «lampe de poche ou de sirène, fournir des instructions de premier secours ou servir de radio».
Ainsi, si ses téléphones permettent d’aider des personnes dans le besoin lors d’accidents de ce type, Apple pourrait bénéficier «d’une augmentation de fidélité des consommateurs et d’une “brand value” en hausse de 0,5%». La belle affaire.