Le 12 avril, après des mois d'un lockdown dur ayant permis au pays de reprendre le contrôle de l'épidémie et de mettre en place une stratégie efficace face au virus, le Royaume-Uni commençait à retrouver un semblant de vie normale dans l'un de ses lieux les plus emblématiques: les pubs, et plus précisément les terrasses des 40% des 37.500 pubs britanniques disposant d'un espace extérieur.
Une météo certes fraîche mais sans nuage aidant, la bière pouvait alors se remettre à couler à flots. C'est ce qu'elle fit, et elle le fit abondamment, au point de frôler la pénurie dans certains établissements et de mettre des brasseurs pourtant rôdés à l'exercice dans l'embarras.
«Nos prévisions ont été dépassées, explique ainsi au Financial Times Phil Urban, patron de Mitchells & Butlers, le plus important groupe de pubs du pays. Les fournisseurs ne sont pas en mesure de réagir suffisamment vite.»
Le quotidien britannique explique que, dans la première semaine de réouverture, la consommation de bière a été 12% plus élevée que sur la même période en 2019 alors que les pubs ne sont que partiellement ouverts et que, la même semaine, il y a deux ans, comprenait un jour férié en plus.
Lager des terrasses
«La réalité a été trois fois plus élevée que nos attentes, personne ne s'attendait à ça, explique quant à lui Jean-David Thumelaire, patron des ventes pour le Budweiser Brewing Group en Grande-Bretagne et en Irlande. Nous sommes dans un premier moment d'euphorie, et nous pensons que cela pourrait durer jusqu'à ce que les restrictions soient totalement levées.»
Les brasseries du groupe travaillent 24 heures sur 24 pour essayer de fournir cette demande (bizarrement) inattendue, et les plus petits producteurs luttent pour retrouver –voire dépasser– leur pleine capacité de production. «Nous ne pensions pas revenir à ce niveau si vite», déclare ainsi Evin O'Riordan, fondateur de la Kernel Brewery.
Selon le Financial Times, c'est Heineken qui s'est plantée dans les plus grandes largeurs, mésestimant de beaucoup la demande en Amstel et Birra Moretti, et se voyant forcée de rationner ses pubs clients à trois fûts seulement.
La firme cherche à augmenter sa capacité de production, et explique travailler avec ses filiales continentales pour importer plus de bière –une épine symbolique et douloureuse de plus dans le pied du «Britain first» des brexiters.
Que cette mésaventure britannique serve de leçon au gouvernement français qui, dans une situation sanitaire encore plus que dégradée, prépare déjà le retour à la vie. Si sa gestion de la pandémie est pour le moins critiquable, qu'il réussisse au moins à mettre en place une politique propre à étancher toutes les soifs, même les plus inextinguibles, lors de la prochaine réouverture des terrasses.