La question du sauvetage des entreprises en difficulté peut rapidement se transformer en épineux casse-tête. Pour défendre l'emploi, consolider une industrie nationale ou éviter les raids de fonds vautours, il semble logique de réclamer aux États qu'ils mettent la main à la poche –ou à la dette.
C'est moins évident quand certaines de ces entreprises en mauvaise posture ont utilisé leurs (parfois larges) bénéfices non pour investir et préparer l'avenir, mais pour verser des dividendes à leurs actionnaires ou procéder à des rachats massifs d'actions pour faire grimper leur cours.
Et ça devient même problématique quand la société en question se nomme Virgin Atlantic.
Les compagnies aériennes sont les plus directement touchées par la crise du Covid-19 –l'Italie a par exemple déjà annoncé la renationalisation d'Alitalia.
Comme les autres, Virgin Atlantic souffre, et l'entreprise est un réservoir important d'emplois à protéger. À ce titre, le gouvernement s'est d'ores et déjà engagé à prendre en charge 80% du salaire de la plupart de ses 8.500 salarié·es.
Le beurre et les livres sterling du beurre
Seulement, Virgin Atlantic est –il est difficile de l'ignorer– la propriété de Richard Branson. Soutenu par Rolls-Royce et Airbus, le milliardaire a demandé au gouvernement britannique des aides et garanties supplémentaires, à hauteur de 500 millions de livres sterling [environ 570 millions d'euros].
Branson possède encore 51% d'une compagnie qu'il décrit comme «son enfant», après avoir fait capoté en décembre 2019 une entrée d'Air France-KLM à son capital.
L'entrepreneur-aventurier a déjà sorti le carnet de chèques pour aider ses diverses entreprises, jusqu'ici à hauteur de 232 millions d'euros, dont 93 pour la seule Virgin Atlantic. Mais le Britannique a les poches bien plus profondes: sa fortune est évaluée par le Bloomberg Billionnaires Index à 4,8 milliards d'euros.
D'où la question, légitime, que pose le travailliste Chris Bryant dans un billet publié par Bloomberg: pourquoi un gouvernement devrait-il engager de telles fortunes pour sauver des entreprises que leurs actionnaires n'appuient que du bout du portefeuille?
Bryant note au surplus que la gestion de la compagnie et de ses investissements, avant même la crise, n'était pas des plus saines. Même s'il ne dispose que de quelques kopeks sur son compte chèque et que Delta, l'autre actionnaire principale de Virgin Atlantic, est elle-même au bord du chaos, Richard Branson a de quoi sortir son bébé de cette très mauvaise passe.
Il contrôle notamment l'entreprise de tourisme spatial pour millionnaires Virgin Galactic, dont la valorisation boursière avait atteint 6,8 milliards de dollars à la fin février.