Une nation fantôme en devenir? | Kirill KUDRYAVTSEV / AFP
Une nation fantôme en devenir? | Kirill KUDRYAVTSEV / AFP

La guerre de Poutine a précipité la Russie dans une spirale démographique mortelle

Le problème était déjà vif avant le conflit en Ukraine. Il est désormais critique.

Nous en parlions déjà il y a près d'un an, mais le phénomène est en train de s'accélérer. Obsession logique d'un Vladimir Poutine qui ne peut voir sa nation qu'en grand, la démographie russe est en train de chuter à une vitesse faramineuse.

Alors que le déficit budgétaire du pays s'enfonce dans un rouge écarlate, et que l'oligarque Oleg Deripaska n'hésite pas à prédire la ruine pour 2024 si le pays ne trouve pas d'investisseurs extérieurs, ce sont les perspectives à long terme qui peuvent inquiéter le plus vivement le Kremlin.

Dans un article sur la question, The Economist n'hésite ainsi pas à parler de «cauchemar». Les chiffres cités par le magazine ont effectivement de quoi donner quelques sueurs froides à Vladimir Poutine, qui expliquait en 2021 que «le problème démographique est le plus important».

L'espérance de vie des hommes âgés de 15 ans a ainsi chuté de cinq ans, pour atteindre le même niveau qu'en Haïti. Le nombre de Russes nés en avril 2022 n'a pas été plus élevé que lors de la Seconde Guerre mondiale et l'offensive nazie. Et selon le démographe Alexeï Raksha, le chiffre des naissances en temps de paix n'a pas été aussi bas depuis le XVIIIe siècle.

Des centaines de milliers de jeunes gens, les plus éduqués généralement, ont quitté le pays avant le déclenchement de l'invasion russe en Ukraine, afin d'éviter d'être appelés sous les drapeaux. Le conflit a, selon certaines analyses, dépassé les 200.000 victimes côté russe –soit plus que toutes les guerres vécues par le pays depuis 1945.

La chute de la maison Russie

Le mal démographique russe précède la guerre en Ukraine. Celle-ci ajoute pourtant du noir au noir, plongeant le pays dans ce que The Economist nomme «une spirale démographique infernale». Tout a commencé il y a trois décennies: le pic de population a été atteint en 1994, avec 149 millions d'habitants.

Depuis, c'est une sacrée dégringolade, que traversent par ailleurs d'autres nations du monde post-soviétique. Malgré une petite amélioration dans les années 2000, grâce à une immigration plus nombreuse et une politique nataliste volontariste, la Russie perd chaque année des habitants en masse.

Si la tendance devait rester la même, le pays ne compterait que 120 millions d'habitants dans cinquante ans. Du sixième pays le plus peuplé au monde en 1995, elle passerait à un plus modeste quinzième rang.

La pandémie de Covid-19 –et un vaccin russe, comme chez le voisin chinois, peut-être moins efficace que les autorités ne le prétendaient– est aussi passée par là. Si le bilan officiel est d'environ 390.000 décès en Russie, The Economist a calculé une surmortalité comprise entre 1,2 et 1,6 million d'individus de 2020 à 2023.

C'est colossal, et cela explique en partie pourquoi, entre 2020 et 2021, la population russe a baissé de 1,3 million de personnes –avec un nombre de décès dépassant celui des naissances de 1,7 million. Selon The Economist, en ajoutant les pertes de la guerre, les décès dus au Covid-19 et la tendance démographique basale, la Russie a ainsi perdu entre 1,9 et 2,8 millions d'individus entre 2020 et 2023.

Comme le rappelle l'hebdomadaire britannique, nulle tendance n'est irréversible et la Russie a déjà, dans les années 2010, réussi à redresser quelque peu la barre après la première moitié des années 2000, durant lesquelles elle perdait près d'un million d'habitants par an.

Dans le futur immédiat et proche, c'est néanmoins un désastre: la fuite massive des jeunes hommes risque de compliquer encore la tâche de Vladimir Poutine, qui souhaite augmenter drastiquement les effectifs des armées du pays, et qui risque d'avoir besoin de nouveaux conscrits pour mener sa désastreuse guerre en l'Ukraine.

La pression sera plus forte sur les populations déjà surreprésentées dans les rangs –et les morts– de l'armée russe. Comme dans le Daghestan, où des émeutes contre l'enrôlement ont fini par éclater, ou parmi les Bouriates envoyés en masse au front et considérés comme une «chair à canon» dispensable par les autorités russes.

Le désastre est aussi économique et sur le long terme. La Russie a perdu des dizaines de milliers de jeunes gens hautement spécialisés, notamment dans l'informatique et tout ce qui s'y rapporte, ceux-là mêmes sur lesquels elle pouvait imaginer se bâtir un avenir.

«La spirale démographique infernale n'a pas diminué l'appétit de M. Poutine pour la conquête. Mais elle fait de la Russie un pays plus petit, moins bien éduqué et plus pauvre, d'où les jeunes gens fuient et où les hommes meurent à 60 ans», conclut sans détour l'article de The Economist.

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