Selon une récente étude du Labor Center de l'université de Berkeley reprise par Vice, Lyft et Uber devraient –virtuellement du moins– la coquette somme de 413 millions de dollars [383 millions d'euros] au seul État californien.
En application depuis septembre 2019, la California Assembly Bill 5, dite «loi AB5», oblige les plateformes de la «gig economy» à considérer leurs collaborateurs et collaboratrices comme des salarié·es et non comme des indépendant·es. À ce titre, les firmes sont redevables des diverses taxes et charges sociales associées à leur masse salariale, qu'elles ont jusqu'ici esquivées.
Or, les autorités californiennes n'ont pas attendu la loi de 2019 pour tenter de requalifier ces contrats: dès 2015, le bras de fer s'engageait et la California Employment Development Department stipulait qu'un VTC du sud de l'État était en droit de demander à être considéré comme un·e salarié·e d'Uber en vertu des liens entretenus avec la firme.
C'est en appliquant le taux normal de charges sociales classique sur les revenus estimés de ces salarié·es invisibilisé·es –près de 800.000 personnes en 2018– que l'équipe de recherches du Labor Center est arrivée à ces 413 millions de dollars de manque à gagner pour l'État californien.
«Ce rapport démontre la manière dont des entreprises valant des milliards de dollars font reposer le fardeau sur les épaules des travailleurs et des contribuables», s'insurge Art Pulaski, secrétaire et trésorier de la California Labor Federation. «Les chauffeurs ont du mal à payer leurs factures et à se nourrir pendant qu'Uber et Lyft escroquent les contribuables d'un demi milliard de dollars.»
Effet boule de neige
Cette étude et l'écho qu'elle rencontre montre à quel point le modèle de l'économie de plateforme peut être fragilisé par la puissance publique ou la justice. Dans le New Jersey, Uber seule a été condamnée fin 2019 à payer la somme non négligeable de 650 millions de dollars pour n'avoir pas payé de charges entre 2014 et 2018. Un effet boule de neige est donc à craindre.
Ken Jacobs, l'un des nombreux chercheurs de l'étude, explique les justifications des deux géants: «Les entreprises se défendent en avançant que de par la nature de leur activité –tout le monde peut conduire le véhicule qu'il veut– les chauffeurs n'ont pas besoin d'avoir accès à une assurance chômage.»
Un sondage effectué sur 1.087 chauffeurs et conductrices a montré que 49% des répondant·es ont déposé une demande d'allocation chômage n'ayant jamais abouti –les entreprises font barrage et refusent de les déclarer en tant que salarié·es. Dans un autre sondage, on peut lire que la période actuelle, dictée par le coronavirus, a réduit de 75% les revenus de plus de la moitié des répondant·es –elles et ils se retrouvent donc sans activité ni filet de sécurité.