La fonte accélérée du permafrost est, pour l'environnement, un symptôme catastrophique doublé d'une menace sanitaire majeure. Pour certaines personnes issues de Sibérie, elle constitue pourtant une chance économique importante: la disparition progressive du pergélisol dévoile d'innombrables carcasses de mammouths, qu'il est désormais possible de dépouiller de leurs défenses.
La pratique, en Russie, est légale pour toute personne disposant d'une licence officielle. Comme l'explique Amos Chapple dans un reportage pour Radio Free Europe, elle est parfois dangeureuse, notamment quand les personnes qui chassent l'ivoire préhistorique cherchent leur butin dans des grottes sur le point de s'effondrer.
Mais, pratiquée comme une activité principale ou en addition d'un travail plus traditionnel, la chasse au mammouth peut se révéler être une activité extrêmement lucrative. Le Wired britannique rapporte ainsi qu'une défense de l'animal ayant vécu il y a 10.000 ans sur cette proto-Sibérie peut rapporter plusieurs dizaines de milliers d'euros à l'individu qui l'a extraite du sol.
Mammouth écrase les prix
Le site rapporte que certaines personnes sont devenues millionnaires ou que d'autres chassent la défense pour s'extirper d'une situation économique difficile dans une région coupée de tout.
La demande vient principalement de la Chine et transite via Hong Kong. Officiellement, la Russie a exporté 72 tonnes d'ivoire de mammouth en 2017. Mais les complications réglementaires imposées par les autorités locales propulsent le commerce illégal du précieux produit, un vendeur officiel estimant à 50% la part des échanges effectués loin de toute supervision.
La Chine, en 2017, a banni le commerce de l'ivoire d'éléphant pour tenter d'enrayer son braconnage. L'ivoire de mammouth, autrefois moins prisé, est depuis considéré comme un substitut appréciable pour fabriquer les objets décoratifs ou les bijoux que les personnes qui en sont friandes s'arrachent à prix d'or.
Les réserves sont en outre importantes: alors que la population d'éléphants est estimée à 350.000 têtes en Afrique, il est estimé que 10 millions de mammouths reposent encore sous les glaces sibériennes.
Les éléphants ne sont pas sauvés pour autant. Des voies s'élèvent pour saluer cette alernative, décrite comme éthique. Des économistes de l'université de Calgary ont estimé que le commerce de l'ivoire de mammouth avait permis de faire baisser le nombre annuel d'éléphants braconnés de 55.000 à 34.000. Un bannissement de l'exploitation des défenses de mammouth risquerait en outre de faire grimper le cours de l'ivoire d'éléphant –donc d'attiser un peu plus l'intérêt des braconniers.
Plus critiques, d'autres notent que ce commerce légal ainsi que la difficulté, parfois, à faire la différence entre l'ivoire d'éléphant et l'ivoire de mammouth peut créer des opportunités pour blanchir des trafics beaucoup moins licites.