Lors d'un match de Premier League, certaines entreprises spécialisées surveillent jusqu'à 5.000 points de données différents: chaque tacle, passe, tir ou but est répertorié puis compilé dans des bases statistiques revendues à très bon prix.
«Nous ne savons pas uniquement combien de buts un joueur marque, nous pouvons aussi prédire combien il devrait en marquer. Ces informations sont utilisées par tout le monde, des clubs de football aux studios de jeux vidéo en passant par les sociétés de paris sportifs», relève Wired.
Au Royaume-Uni, le seul secteur des paris sur le football pèse plus de 1,4 milliard de livres [1,55 milliard d'euros]. En 2019, l'entreprise Genius Sports a signé un contrat de cinq ans –dont le montant n'a pas été rendu public– portant sur la Premier League, la D2 anglaise et le championnat écossais. Il lui donne le droit de collecter les données sur plus de 4.000 matchs, ainsi que de les revendre.
Certains joueurs ne l'entendent cependant plus de cette oreille. Plus de 400 d'entre eux, menés par Russell Slade, qui a entraîné les équipes de Cardiff City et de Leyton Orient, se sont rassemblés au sein du collectif Project Red Card.
Les sportifs affirment que leurs données de performance sont des données personnelles et qu'à ce titre, en vertu des réglementations britannique comme européenne (RGPD), elle ne peuvent pas être collectées ni exploitées financièrement sans leur consentement.
Statut public ou privé
Si la justice leur donne raison, certains joueurs pourraient exiger des dizaines de milliers d'euros d'indemnisation pour l'exploitation non autorisée de leurs données au cours des dix dernières années, la durée maximale fixée par les textes. Et ce n'est pas qu'une question d'argent: les statistiques influencent également la carrière des footballeurs.
«La précision de leurs passes, leur forme physique, leur vitesse, [...] c'est comme ça que les joueurs sont évalués à présent. Le message est simple: pour faire ça, vous avez besoin du consentement d'un joueur, et vous ne l'avez pas», dénonce Richard Dutton, un représentant de Project Red Card.
Selon les sociétés qui collectent et commercialisent ces données, celles-ci ne seraient pas privées mais publiques: les matchs de football sont diffusés à la télévision, vus par le public du stade et décortiqués par les médias. La vérité se situe probablement entre les deux: certaines d'entre elles sont publiques, d'autres sont plus sensibles.
Au-delà de la Premier League, de plus en plus de sportifs professionnels sont désormais équipés de capteurs (Oura Ring, puces RFID...) pour récolter la moindre donnée, notamment en NBA et NFL. Là aussi, leur propriété fait l'objet d'âpres –et légitimes– discussions.