Il aura fallu attendre 2017 pour que Majd Mashharawi, une entrepreneuse palestinienne de 25 ans, puisse quitter Gaza pour la première fois. Rares sont les membres de la société palestinienne à pouvoir se targuer d'avoir réussi à sortir de cet endroit décrit par certaines personnes comme la plus grande prison à ciel ouvert du monde.
Mashharawi s'est envolée vers le Japon, où les lumières dans les rues et l'eau chaude accessible à toute heure ont été une révélation pour elle. Le contraste avec sa vie en Palestine était saisissant.
Elle raconte au Guardian les premières coupures d'électricité lorsqu'elle avait 12 ans et qui sont devenues son quotidien: «C'est devenu une partie de ma vie. C'est ennuyeux... mais on n'en a pas conscience tant qu'on ne l'a pas vécu dans la vraie vie.» Celle qui a passé la majeure partie de ses études éclairée à la bougie a décidé d'agir en créant la SunBox, un kit solaire hors réseau.
Pour 350 dollars (320 euros), deux familles peuvent faire installer une SunBox et recharger leurs lampes, téléphones, téléviseurs et même de petits réfrigérateurs, tout en garantissant leur connexion à internet.
L'énergie est surtout primordiale pour «les gens qui ont besoin d'électricité pour leurs appareils médicaux. Pour eux, c'est la vie», explique Mashharawi. Les hôpitaux bénéficient d'ailleurs d'environ dix heures d'électricité par jour contre trois à cinq heures pour le reste de la population.
L'indépendance commence par l'énergie
Si l'électricité de Gaza provient principalement de sa centrale alimentée au diesel fournit par Israël et l'Égypte, cela ne suffit toutefois qu'à combler la moitié des besoins de la population. Cette unité de production a pâti des bombardements d'Israël et des difficultés d'approvisionnement en carburant liées au blocus.
Lancé en 2018, le kit solaire connaît déjà un franc succès, preuve de son utilité. Avec dix personnes qui travaillent pour elle et un chiffre d'affaires qui a atteint 500.000 dollars (460.000 euros) en juillet 2019, Mashharawi semble bien partie pour se rapprocher de son objectif. «L'une de nos missions est d'apporter l'indépendance aux Palestiniens. Si nous voulons créer un pays, nous devons être autonomes.»
Pour y parvenir, Mashharawi a déjà dû lutter contre elle-même, sa famille, son entourage proche et sa communauté, car tout semble limité et impossible à réaliser. «À Gaza, il y a une limite à tout. Vous regardez vers la mer, il y a des bateaux d'Israël; vous regardez vers la terre, se dresse un mur ou une clôture; vous conduisez quarante minutes, c'est la fin. Vous ne pouvez pas aller plus loin», décrit celle qui fait partie d'une nouvelle vague de personnes de nationalité palestinienne qui n'ont pas abandonné l'idée d'entreprendre.
De conclure: «Je me rends tous les week-ends dans le nord de Gaza pour me convaincre que cela doit cesser. Le blocus ne nous a pas seulement bloqués physiquement, il a aussi bloqué nos esprits.» Les lumières que l'entrepreneuse leur apporte sont sans doute un premier pas vers davantage de liberté.